Il faut se réjouir que l’arraisonnement du Madleen se soit fait jusqu’ici sans dommage pour l’intégrité physique de ses passagers. L’abordage de la « Flottille de la liberté » par les troupes israéliennes en mai 2010 s’était soldée par la mort de 9 personnes, et 28 blessés. C’est une première victoire pour les militants du soutien humanitaire à la population palestinienne : devant le retentissement de l’opération, les autorités israéliennes ont cette fois renoncé à se conduire en sauvages. L’enregistrement et la diffusion en direct des conversations entre les pirates et leurs prisonniers par Francesca Albanese, rapporteur spécial des Nations-Unies sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés, a sans doute contribué à modérer les ardeurs des assaillants.
Ces autorités s’étaient pourtant répandues en communiqués menaçants et méprisants, bien relayées par leurs « petits télégraphistes » dans nos contrées, zombies des réseaux sociaux et presse mollassonne. Les éléments de langage distribués et répétés jusqu’à l’écoeurement (la croisière s’amuse, selfies, bronzage, autopromotion des militants, etc.) ont retourné la propagande israélienne contre elle-même, suscitant un vaste et favorable engouement médiatique.
L’aspect médiatique de l’opération a évidemment été attaqué par les propagandistes israéliens et pro-israéliens, grands spécialistes de la chose. Il était en effet patent, et son but a été atteint : mettre en avant la situation dramatique de la population palestinienne de la bande de Gaza, souligner sa détresse alimentaire entretenue par le pouvoir colonial et de fait ignorée par tous les gouvernements qui pourraient et devraient intervenir.
Souligner l’ignoble cruauté de l’occupation militaire de la Palestine depuis 1967 n’est plus à faire mais il est crucial de mettre aujourd’hui nos propres gouvernants en face de leur responsabilité.
À l’exception du gouvernement de l’Irlande, seule contrée d’Europe occidentale vivant encore les séquelles de sa propre colonisation par les Anglais, tous les gouvernements occidentaux sont coupables de complicité dans le massacre de la population palestinienne. Ils ont la capacité économique pour l’Europe et militaire pour les Etats-Unis de mettre fin rapidement aux crimes de guerre et à l’occupation coloniale qui s’étalent sous nos yeux depuis mai 1948.
Le résultat le plus tangible de l’opération menée par les militants embarqués sur le Madleen est de montrer l’impunité dont jouit le gouvernement d’extrême-droite israélien quand il intervient militairement en dehors de ses eaux territoriales. Les pêcheurs de la bande de Gaza savent depuis longtemps l’interdiction, parfaitement illégale, qui leur est faite par l’armée coloniale de tirer leurs filets à plus de quelques centaines de mètres de leur côte. Le monde entier a pu voir cette nuit que la soldatesque israélienne, tels des bandits somaliens, peut pirater en haute mer un navire immatriculé en Grande-Bretagne sans la moindre réaction britannique, européenne ou américaine. Le blocus qui affame, empoisonne et tue la population palestinienne laisse indifférent les gouvernements occidentaux, à commencer en Belgique par Maxime Prévôt, ci-devant ministre des affaires étrangères.
On attend sa réaction avec autant d’impatience que d’incrédulité.
Une opinion de Thierry Bingen