Le prix de l’énergie explose.
Gouverner, c’est prévoir… mais pas pour l’équipe De Croo.
Si l’on ne peut que saluer les mesures prises par le gouvernement pour soulager dans l’immédiat les ménages touchés par la flambée des prix de l’énergie, on doit en revanche critiquer la portée limitée de ces décisions.
Pourquoi la TVA sur l’électricité n’est-elle abaissée à un niveau normal (6%) que temporairement ? L’énergie est un bien commun de première nécessité et ne mérite pas d’être considérée comme du champagne (à 21%). Si l’argument pour ne pas baisser la TVA sur le gaz naturel est de ne pas créer de distorsion avec le mazout, il faut aussi baisser la TVA sur cet autre combustible. Le chauffage n’est pas du caviar. Notons d’ailleurs que la TVA sur les engrais, notamment les engrais synthétiques produits à partir du pétrole ou du gaz naturel, est déjà de 6%.
L’extension du tarif social jusqu’en juin est une bonne chose, mais les ménages concernés ne trouveront pas pour autant l’aisance financière en juillet. La pauvreté dure longtemps quand on ne cherche pas à l’éradiquer.
Pour ce qui est du « long terme », le gouvernement n’envisage que des mesures fiscales, alors que le véritable enjeu est bien au-delà de ces calculs d’apothicaire.
La flambée des prix que nous vivons est révélatrice de notre soumission « à la main invisible du marché ». La tension créée par certains en Ukraine affecte gravement le prix du gaz sur le marché, et c’est nous qui passons à la caisse. La production gazière en Russie, et ailleurs, n’a pas varié d’un iota. Ce sont les « analystes boursiers » qui décident de la fin de mois des ménages en difficulté.
L’envolée du prix de l’électricité est encore plus caricaturale. La majorité de l’électricité produite en Belgique l’est par le nucléaire et le renouvelable. En quoi ces deux sources ont-elles été affectées récemment justifiant l’augmentation drastique des prix ? En rien, si ce n’est « la concurrence libre et non faussée du marché » européen.
Le chèque « offert » par le gouvernement est donc principalement un détournement de l’impôt des citoyens au bénéfice des producteurs d’électricité nucléaire et renouvelable. Si le deuxième de ces cadeaux est sans doute le bienvenu, mais dans un tout autre contexte, le premier est intolérable.
Il est temps pour les autorités de prendre une mesure structurelle à long terme qui soit réellement en faveur des citoyens qui les ont élus pour prendre soin de la société : la mise sous tutelle immédiate de tout le secteur, suivie de la nationalisation rapide des centrales nucléaires en compensant Engie Electrabel par la valeur comptable de ses investissements nucléaires non encore amortis, soit zéro euro. Enfin les prix du marché de l’électricité passeront-ils sous le contrôle des citoyens via leurs élus et plus sous celui des actionnaires.
De toute manière, le démantèlement des centrales nucléaires va commencer bientôt sans que personne ne sache combien de temps cela va durer ni combien ça va coûter. Des provisions existent, qui doivent d’abord être rapatriées des coffres parisiens, et elles y seront entièrement affectées. Mais que fera-t-on lorsque ces provisions seront épuisées ? Supplier un ancien exploitant étranger qui fera traîner les choses devant un Tribunal d’arbitrage pendant vingt ou trente ans ? Que cela plaise ou non, on sait bien qu’à la fin ce seront les citoyens qui paieront la facture. Alors, autant clarifier la chose tout de suite.
Aucun industriel « lésé » ne pourra arguer de son expérience pour s’opposer à la nationalisation pour des raisons d’expertise : personne au monde aujourd’hui n’a achevé le démantèlement d’aucune centrale. C’est essentiellement un nouveau métier à inventer et il n’est pas tolérable que des intérêts privés profitent de cette nouvelle situation pour s’enrichir de cette nouvelle « opportunité ». Le démantèlement coûtera suffisamment cher pour ne pas y ajouter la distribution de dividendes. Et le contrôle ainsi gagné sur la production électrique, y compris dans sa bifurcation, ne pourra qu’être favorable à tous les consommateurs.
On voit aujourd’hui que la maîtrise du secteur énergétique par la simple loi du marché est un échec lamentable, or cette maîtrise est au cœur d’une ambition écologique qui dépasse le greenwashing. En prônant la création d’un grand pôle public pour engager la bifurcation énergétique, le Mouvement Demain assume une ambition élevée pour ce domaine-clé. La mobilisation doit se faire dès maintenant avec toutes les forces vives du pays, en commençant par les travailleurs de ce bien commun et leurs organisations syndicales afin de proposer rapidement une feuille de route à tout le secteur.