La délégation d’élus locaux partie en Fédération du Nord et de l’Est de la Syrie, à l’initiative de David Dessers (Groen), Premier Échevin à Leuven, vient de revenir en Belgique. Parmi eux se trouvaient deux élus de notre mouvement soutenus par le Parti de la Gauche Européenne.
Le but de ce voyage était de découvrir la réalité quotidienne de cette zone autonome, entre la Syrie du régime de Bachar Al-Assad, la Turquie, l’Irak et l’Iran, où se développe une société basée sur des principes de pluriculturalisme, d’écologie, de solidarité et d’égalité entre femmes et hommes, dans des conditions géopolitiques, économiques, humanitaires plus que difficiles.
En 5 jours sur place, les visites officielles mais surtout sur le terrain se sont succédées, afin de découvrir les nombreux projets qui émergent dans la région pour répondre aux besoins de la population qui subit un embargo de la part de ses voisins.
Virginie Godet et Pierre Eyben, membres du Mouvement Demain et conseillers communaux Vert Ardent à Liège constituaient le pôle francophone de la délégation.
– La dynamique qui se met en place, d’abord au Rojava – le Kurdistan syrien – et désormais dans la Fédération du Nord et de l’Est syrien en termes de démocratie et d’égalité est unique dans la région, mais peut-être également dans le monde, explique Pierre Eyben, et cela se passe dans des conditions extrêmes. Les voisins de la Fédération lui font la vie dure, notamment la Turquie par ses attaques de drônes et la véritable guerre de l’eau qu’elle mène, en réduisant le débit de l’Euphrate par le jeu des barrages et des dérivations, ce qui entraîne de graves risques de sécheresse et de pénurie d’eau dans des villes comme Hasakah, qui compte plus d’un million d’habitants et doit aussi pourvoir aux besoins des camps de populations déplacées en interne, comme celui de Washokani qui accueille des personnes ayant fui la région de Serê Kanihe, occupée par les troupes turques.
– Il faut savoir, renchérit Virginie Godet, que le HCR, l’agence de l’ONU qui s’occupe de la question des réfugiés, ne travaille qu’avec les Etats reconnus. Ce qui donne lieu à cette situation aberrante: l’ONU participe à la gestion des camps où se trouvent les anciens djihadistes de Daesh, parce que ce sont pour la plupart des ressortissants étrangers, mais pas de ceux où se trouvent leurs anciennes victimes, directes ou indirectes. Washokani, comme d’autres camps de déplacés, est géré par l’administration autonome.
La question de l’eau est donc prégnante dans une région qui fut le grenier à blé de la Syrie – entre Tigre et Euphrate, nous sommes au cœur du croissant fertile – et doit affronter à la fois une augmentation de sa population, une diminution de l’accès à l’eau entraînant des problèmes sur la santé des habitants – Hasakah a été l’an dernier touchée par une épidémie de choléra, mais également à l’électricité, laquelle était auparavant produite par des centrales hydro-électriques désormais inemployables faute d’un débit suffisant.
La délégation a également eu l’opportunité de visiter Raqqa, ville martyre qui fut l’un des derniers bastions de Daesh en Syrie, libérée par les Forces Démocratiques Syriennes, formées de combattants syriens arabes, syriaques et kurdes – les YPG et YPJ qui avaient auparavant combattu à Kobané.
– On se souvient tous de ces images de têtes exposées sur des piques à Raqqa, sur la place dite “ de l’enfer”. Six ans plus tard, la ville se reconstruit, co-dirigée par une femme et un homme, comme toutes les structures de l’Autorité Autonome, déclare l’élu liégeois, et dans une volonté de faire-ensemble entre les différentes communautés. Si la population est majoritairement arabe, les Kurdes, les Syriaques, mais également les minorités arménienne ou chaldéenne participent à tous les niveaux de décision, la commune étant celui à la base de tout.
Et sa consœur d’ajouter:
– On ne réalise peut-être pas tout ce que nous devons à ces gens. Ce sont eux qui ont combattu Daesh sur le terrain, et qui l’ont mis à mal. On les a portés aux nues et puis oubliés aussitôt. Je pense qu’il est temps d’agir en conséquence et de leur permettre de reconstruire leur région, de vivre dans des conditions salubres et décentes, c’est tout ce qu’ils demandent. Nous allons tenter d’œuvrer en ce sens en portant des projets d’aide concrète, notamment en rapport avec l’accès à l’eau potable. Mais il est surtout hors de question que la mémoire de ce que ces populations ont fait pour nous, en se battant contre les djihadistes, se perde.
Pour Virginie Godet et Pierre Eyben, ainsi que pour leurs collègues néerlandophones, c’est la fin d’un voyage, mais le début d’un travail de communication et de sensibilisation envers les autorités des différents niveaux de pouvoir, le milieu associatif et les citoyens, afin de développer ces solidarités concrètes envers les populations de la Fédération du Nord et de l’Est de la Syrie et de mettre fin à l’impunité dont bénéficient les États qui menacent et agressent cette zone autonome où se met en place une alternative démocratique, sociale, féministe et écologiste unique en son genre.
Communiqué de presse du 15 mars 2023
Communiqué Retour du Rojava du 15mars2023 (pdf)
Communiqué Rojava 3mars 2023 (pdf)
Illustration : Photo de la délégation en présence des co-bourgmestres (homme et femme) et responsables locaux de la ville de Raqqa