Le Mouvement Demain n’a pas attendu la nouvelle crise agricole pour mettre cette question au centre de ses préoccupations. L’accès à une nourriture de qualité et produite avant tout localement pour toute la population est un enjeu de société essentiel à nos yeux.
C’est pourquoi nous sommes solidaires des agriculteurs et des agricultrices qui demandent de pouvoir vivre dignement de leur travail.
Contrairement à ce que disent certains partisans de l’agro-industrie (y compris certains syndicats agricoles), faire marche arrière dans le (très lent) combat contre les pesticides et autres engrais issus de la pétrochimie (stratégie européenne « de la ferme à la fourchette » et « Green Deal ») n’est pas la solution. Cela ne ferait qu’enfermer les agriculteurs dans un modèle qui est en échec. De même, la solution aux problèmes de productivité posés par l’épuisement des sols, la multiplication des épidémies, le changement climatique ou la crise de la biodiversité ne se situe pas (uniquement) dans le progrès technique, à coup de nouveaux produits, de drones, de digitalisation, de méga-bassines, de robotisation ou d’organismes génétiquement modifiés (OGM).
Comme l’affirme avec justesse le syndicat agricole FUGEA, le premier combat à mener consiste à sortir des logiques ultra-libérales. En effet, notre modèle agricole est aujourd’hui au cœur de la crise capitaliste. L’agriculture, et à travers elle notre alimentation, est soumise à la dictature des marchés débridés par les libéralisations à tout va. Alors que les prix de l’alimentation ont connu une forte hausse ces deux dernières années, cette manne n’a absolument pas « ruisselé » jusqu’aux agriculteurs. Au contraire, leur mise en concurrence à l’échelle mondiale ne fait que s’accentuer à mesure que sont signés de nouveaux traités de libre-échange (CETA, UE-Nouvelle-Zélande, UE-Mexique, UE-Colombie, Pérou, Equateur, etc.). Les bénéfices sont pour les négociants qui spéculent sur les prix agricoles (avec par exemple le rôle des banques dans la spéculation sur les céréales), les industriels et la grande distribution. Le racket s’organise également en amont, avec quelques gros fournisseurs de produits phytosanitaires, d’engrais, de semences ou de matériel agricole.
Sur ce point, il faut dénoncer avec force l’attitude hypocrite de la droite (du MR aux Engagés et Défi) qui vote avec zèle ces traités de libre-échange ruinant par là même les revenus des agriculteurs tout en prétendant être à leurs côtés. Ces traités organisent le “grand déménagement du monde” dans lequel plus personne ne souhaite vivre, à l’exception des multinationales et de quelques mastodontes de l’économie.
Avec le Mouvement Demain, nous proposons 6 solutions politiques sérieuses pour changer de cap et réellement sortir ce secteur de l’impasse actuelle :
- En finir avec les accords internationaux de libre-échange. Cela n’est bon pour les agriculteurs nulle part et ne bénéficie qu’à l’agro-industrie. C’est pourquoi il faut notamment empêcher la signature du traité de commerce international avec le Mercosur (Brésil, Uruguay, Argentine, Paraguay) qui ruinerait encore davantage l’économie paysanne de tous les pays concernés et signerait le retour de pesticides interdits en Europe. Bien avant, la crise actuelle, les communes d’Anderlecht et de Liège se sont ainsi déclarées “communes sorties de l’accord de libre-échange UE-Mercosur” à notre initiative. Il faut également commencer dès maintenant, à organiser la sortie des accords déjà conclus comme celui avec le Canada qui a causé l’augmentation des importations canadiennes en Europe d’énergies fossiles très polluantes. Enfin, il faut cesser d’élargir l’Union européenne, car l’élargissement actuel consiste avant tout à pousser à la baisse revenus et conditions de travail via une mise en concurrence des travailleurs. À titre d’exemple, l’entrée sur nos marchés des produits agricoles ukrainiens fait déjà des dégâts énormes aux agriculteurs des pays de l’UE (de la Belgique à la Pologne). Il faut mettre fin au dumping social entre Etats qui a lieu au sein de l’Union européenne, comme avec les candidats à l’adhésion.
- Instaurer au contraire un mécanisme de protectionnisme social, écologique et solidaire afin de protéger un modèle d’agriculture 100% paysanne, locale et bio, ici et ailleurs. Et il faut, d’un même mouvement, augmenter les salaires en Belgique, de façon à ce que les agriculteurs puissent avoir un revenu digne garanti.
- Aider financièrement les agriculteurs•trices qui font du bio à posséder des terres et à développer des exploitations à échelle locale. L’accaparement des terres agricoles par des grands groupes (notamment Colruyt en Belgique) est un problème majeur. L’accès à la terre est plus compliqué pour les agriculteurs, et la grande distribution use de cette propriété pour imposer productions et prix. Subventionner l’agriculture bio et locale pour diminuer le prix des aliments et les rendre accessibles à tous et toutes. La nature des aides et la complexité des démarches favorisent aujourd’hui les gros acteurs du secteur. En outre, les aides à la transition et au maintien dans l’agriculture biologique sont actuellement insuffisantes.
- Favoriser le circuit court dans la distribution des produits alimentaires et lutter contre la mainmise de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution sur le secteur. Un prix plancher doit être instauré, il faut mettre un terme à l’obscénité des marges du secteur des intermédiaires sur le dos des producteurs.
- La commande publique et l’encadrement de la restauration collective dans le secteur privé doivent jouer un rôle, c’est un puissant levier : les cantines scolaires, dans les hôpitaux et dans les bureaux de l’administration comme du privé doivent se fournir auprès de la production locale. Actionner la commande publique et/ou collective par les secteurs public et privé, cela passe par la mise en place d’un vrai État-stratège (jusqu’à l’échelon communal) et par la planification écologique.
- Gérer de manière durable l’irrigation et le drainage des sols pour contrer leur salinisation. En effet, selon la formule de Marx, les processus actuels de production “ruinent dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur”.