Une opinion de Dimitri Zurstrassen
Le 6 octobre dernier, le Portugal a organisé des élections législatives pour renouveler les sièges de l’Assemblée de la République. Comme annoncé par les sondages, le Parti socialiste d’Antonio Costa sort vainqueur du scrutin mais n’a pas réussi à décrocher la majorité absolue des suffrages. En recueillant 36,65 des voix, il obtient 106 des 230 sièges du Parlement, soit 21 de plus que lors des élections législatives précédentes en octobre 2015. De son côté, le Parti social-démocrate (PSD, qui malgré sa dénomination est de centre-droit) arrive en deuxième position avec 27,90 % des voix, son plus mauvais résultat depuis 1983. Il est suivi du Bloc de Gauche et de la Coalition Démocratique Unitaire (une coalition entre le Parti Communiste et les Verts portugais) qui recueillent respectivement 9,67 et 6,46 % des suffrages.
Le Bloc de Gauche a donc obtenu un score légèrement inférieur à celui qu’il avait en 2015 (10,19 % des voix). Il garde cependant le même nombre de sièges (19) et devient la troisième formation politique du pays tandis que la coalition PCP-PEV (CDU) subit une importante défaite par rapport à 2015 où il avait recueilli 8,25% des suffrages (il passe de 17 à 12 sièges).
Les conservateurs portugais (CDS-PP), qui se présentaient cette fois-ci sans le PSD, ont obtenu quant à eux seulement 4,2 % des voix.
Ensuite, le Parti défenseur des droits des animaux et de la nature, Personnes-animaux-nature a recueilli 3,24% des suffrages et 4 sièges (+3 par rapport à 2015) tandis que le parti d’extrême-droite CHEGA ! (« Assez ! » en français), l’Initiative Libérale (IL) et LIVRE (L), parti écosocialiste, font leur entrée à l’Assemblée de la République en obtenant chacun 1 siège.
L’irruption du parti d’extrême-droite d’André Ventura, professeur de droit et ancien élu du PSD, est un fait important puisque c’est la première fois dans l’histoire qu’un groupe d’extrême-droite est représenté à l’Assemblée de la République mettant fin à une exception européenne.
La participation au scrutin a été quant à elle la plus faible jamais enregistrée en atteignant 47% du corps électoral. L’importance de ce taux peut être expliquée en partie par un changement dans la loi électorale qui a mis. automatiquement 1,2 millions d’expatriés dans le corps électoral (avant ils devaient s’enregistrer pour voter).
Nous pouvons donc observer lors de ce scrutin une victoire nette des forces de gauche par rapport à la droite et un fort plébiscite des électeurs portugais en faveur de la « geringonça », cette alliance inédite entre le PS, le Bloc de Gauche et la Coalition démocratique unitaire (CDU) formée afin de formuler une alternative aux politiques d’austérité menées par les gouvernements précédents. En échange de l’application d’un agenda social, le Bloc de Gauche et la Coalition Démocratique Unitaire garantissaient au gouvernement socialiste la stabilité du gouvernement minoritaire d’Antonio Costa.
Qui va gouverner le Portugal ?
Antonio Costa a appelé après la tenue du scrutin à renouveler l’expérience d’un gouvernement socio-démocrate soutenu par des formations de gauche. Les résultats des élections lui donnent plus de marge de manœuvre qu’en 2015. Alors que le soutien du Bloc de Gauche et la CDU étaient indispensables pour pouvoir gouverner, il n’a besoin aujourd’hui que d’un accord avec une de ces deux formations.
Cependant, Antonio Costa chercherait à obtenir le soutien d’un éventail plus important de formations de gauche comme Libre ou le PAN.
La CDU a déjà annoncé leur refus de négocier un accord écrit pour la législature, étant plutôt en faveur du vote au cas par cas de chaque proposition provenant du gouvernement.
Le Bloc de Gauche a de son côté communiqué qu’il allait ouvrir des négociations avec le PS pour un accord pour toute la législature mais qu’il serait beaucoup plus exigeant que la dernière fois et qu’il ne soutiendrait un nouveau gouvernement d’Antonio Costa qu’à certaines conditions. Celles-ci seraient selon Catarina Martins, la coordinatrice du Bloc de Gauche, la fin de l’application des différentes mesures d’austérité qui sont toujours en vigueur dans la législation du travail, la lutte contre la précarité, l’octroi à la population de pensions dignes, l’augmentation des dépenses publiques dans les secteurs de la santé, du logement et des transports ainsi que la formulation de politiques répondant à l’urgence climatique.
La négociation de la formation d’un gouvernement de coalition entre le Bloc de Gauche et le PS est à priori exclue étant donné le faible score du Bloc de Gauche par rapport à celui du PS et la crainte que l’existence d’un gouvernement fragile mette à mal la stabilité politique du pays, surtout dans une conjoncture économique internationale qui risque fort de se détériorer.