Une opinion de Natalia Claasen et Virginie Godet.

 

L’année commence en beauté, il faut l’avouer, tant les partis démocrates-chrétiens, les nationalistes et l’extrême droite flamande brillent par leurs positions archaïques en matière de droits des femmes.

IVG : des avancées… freinées !

Depuis l’été 2019, des avancées sur l’assouplissement des conditions et la dépénalisation de l’avortement ont fait leur chemin au Parlement fédéral, notamment sur :

  • la sortie de l’avortement du Code pénal,
  • l’allongement du délai légal de 12 à 18 semaines sans raison médicale,
  • le raccourcissement du délai de réflexion de 6 à 2 jours,
  • l’introduction du délit d’entrave, …

Des avancées, donc, pour adapter la loi de 1990 – oui, celle qui a valu au Roi Baudoin d’être dans l’impossibilité de régner pendant 36 heures. En novembre 2019, une majorité de partis vote en faveur du texte – non sans débat puisqu’apparemment l’utérus fait encore partie intégrante de la place publique. Et puis, dans le camp des opposants, qui retrouve-t-on ? Cette bonne vieille famille des nationalistes flamands (N-VA), de l’extrême droite (VB) et des démocrates-chrétiens (CD&V). La tradition ne se réinvente pas.

Ne nous y trompons pas, la N-VA, le VB et le CD&V ne sont pas les seuls partis à repousser les dispositions favorisant le libre choix. Faut-il rappeler qu’en 2018, la coalition suédoise, qui inclut le MR et l’Open VLD à la fine équipe, a souhaité dépénaliser l’avortement tout en créant de nouvelles dispositions à caractère punissable ? Et aujourd’hui encore, nous avons un CdH qui vote en faveur des avancées mais pas trop, et qui émet des réserves sur l’allongement du délai légal1. Alors que l’OMS fixe à 22 semaines le seuil de viabilité d’un enfant, le CdH est là avec sa déferlante de médecins-politiciens à la science arbitraire et qui brandissent l’argument du développement neurosensoriel du fœtus. On a déjà vu ça : la justification biologique comme arme de normalisation pour le maintien des lois rétrogrades.

Viens voir au Conseil d’État si j’y suis !

Fin décembre 2019, la commission de Justice de la chambre a approuvé la nouvelle proposition de loi assouplissante. Sauf qu’alors, on sait déjà que le CD&V demandera le renvoi du texte au Conseil d’État, dans le seul but de retarder la procédure d’un mois. Joyeux Noël les filles. Sans même attendre l’évocation de cette demande, le président de la Chambre s’exécute dès la séance plénière suivante, en janvier. Plus d’un mois plus tard, le Conseil rend son avis et valide le texte : l’IVG doit être considérée comme un acte médical à part entière (donc finie la possibilité de poursuivre les médecins) et l’allongement des délais n’appelle pas d’observation.

Pendant ce temps-là, les femmes qui en ont les moyens vont encore avorter à l’étranger. Quant aux autres, contraintes d’accoucher d’un enfant non-désiré, sont condamnées dans le choix de la maternité (tant le tabou autour du regret d’enfanter est encore ancré dans nos sociétés, mais ça, c’est un autre débat).

Et on n’en démord pas, de tous les côtés.

Tant le CD&V que le CdH ont promis de ne pas en rester là et de bloquer tant que faire leur est possible. Ce qui peut doucement nous faire sourire, car majorité contre cette proposition il n’y aura pas. Mais ce n’est pas tout ! Ces partis souhaitent que la procédure de reconnaissance de l’enfant né sans vie, en vigueur depuis le 31 mars 2019 et permettant l’obtention d’un acte d’État Civil en cas de fausse-couche tardive ou de mort foetale entre 140 et 179 jours après la conception, soit modifiée et appliquée dès… 18 semaines. Outre la question de normer le deuil (d’aucunes se suffiront de cette inscription, d’autres n’en auront pas besoin, certaines souhaiteront être aidées par un professionnel de santé mentale), le processus ici mis en oeuvre n’a pas d’autre nom que de « prendre le chagrin des unes pour taper sur la détresse des autres », ce qui est quelque peu incohérent quand on se pose en champion de la morale.

C’est pourquoi, nous, écosocialistes et féministes, nous promettons également de ne pas en rester là. Qu’on le veuille ou non, la proposition de loi passera. Nous attendons impatiemment le 12 mars, date à laquelle le texte sera à nouveau soumis à la Chambre. Nous gardons à l’esprit que l’opération n’est pas sans risque, car les opposants déposeront des amendements et que le texte peut à nouveau être renvoyé au Conseil. Qu’à cela ne tienne, les mobilisations féministes en Belgique regagnent du terrain. Ce 8 mars 2020, dans les quatre coins du plat pays, il faudra encore crier haut et fort que l’avortement est un droit et un acte médical, et que cette volonté de retarder l’adoption de cette proposition de loi est tout simplement inadmissible !

Mon corps, mijn keuze, godverdomme !

 

1“Une IVG au 5e mois sans raison médicale, c’est non !”, clament-ils.

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