Le mouvement Demain tient avant tout à affirmer sa solidarité totale avec les 1.233 travailleurs menacés de perdre leur emploi chez Carrefour. Nous ne sommes pas dupes de l’attitude faussement solidaire du MR et du gouvernement des droites. On ne peut que se demander combien de temps ces chantres des flexi-jobs et des cadeaux fiscaux aux multinationales prendront pour passer de l’empathie médiatique pour les 1.233 toutes fraîches victimes licencié(e)s par Carrefour, à la stigmatisation des 1.233 nouveaux coupables d’être chômeurs demain.

C’est pourquoi le premier combat, essentiel, est celui que les syndicats et les travailleurs viennent d’entamer pour faire reculer au maximum cette multinationale et mettre la pression sur les autorités politiques. A cet égard, la solution structurelle la plus évidente nous semble être de pratiquer une réduction collective du temps de travail (sans perte de salaire) afin d’éviter toute perte d’emploi.

Ce combat ne doit pas nous empêcher d’avoir également une vision de société à plus long terme. Alors que ceci n’est pas la première casse sociale chez Carrefour, alors que Delhaize avait également opéré une restructuration massive en 2014, nous pensons que malheureusement, dans le contexte actuel (vive concurrence entre acteurs, perte de vitesse du modèle « hyper », et émergence du commerce en ligne), de nouvelles catastrophes sociales se préparent dans le secteur.

Les multinationales de la grande distribution contrôlent largement notre alimentation. Si le pourcentage a tendance à baisser ces dernières années, c’est encore plus de 60% de la somme totale des ventes au détail qui s’opère via les grandes surfaces. La prédominance de ce modèle a des conséquences néfastes pour les travailleurs de ces multinationales qui constituent la variable d’ajustement afin de dégager des marges pour investir tout en maintenant des bénéfices plantureux (encore plus de 60 millions d’euros pour Carrefour en Belgique en 2016).

Mais les conséquences néfastes de ce modèle ne s’arrêtent pas là.  Nous mangeons une nourriture de mauvaise qualité, et sommes incités à acheter en quantité (et donc à gaspiller) dans des conditionnements polluants (plastiques et autres). Les agriculteurs sont mis sous pression pour produire toujours moins cher, causant des crises incessantes (crise du lait, de la viande de porc, des fruits…) et la destruction de ce noble métier. Le recours à des produits importés fabriqués dans des pays à bas coût est massif. Le commerce de proximité (accessible sans voiture) est mis à mal au profit de complexes géants en périphérie accessibles en voiture (comme celui de Belle-Île à Liège qui risque de voir son hyper-marché Carrefour fermer alors qu’un plan d’agrandissement catastrophique est pourtant prévu).

L’alimentation est un besoin de base, qui ne peut être ainsi soumis à une guerre entre géants du secteur ou à des impératifs essentiellement financiers. Des alternatives de niche fleurissent un peu partout, certaines avec un réel souci d’être accessibles au plus grand nombre. Nous estimons que les autorités publiques ont un rôle à jouer pour permettre l’émergence de nouveaux acteurs coopératifs répondant à une autre logique que celle du profit et accessibles au plus grand nombre. Des expériences existent à Bruxelles, Liège ou Charleroi. Il convient de les aider pour leur permettre de constituer demain une alternative crédible. Plus globalement, c’est toute la filière agricole qui doit être repensée afin de favoriser les filières courtes, les ceintures alimentaires autour des grandes villes, et les productions locales de qualité rétribuées justement.

Ensemble, travailleurs et citoyens consom-acteurs, nous pouvons développer avec le concours de l’Etat, un modèle dans lequel notre sort ne sera plus dans les mains d’une multinationale et d’un gouvernement assujettis aux logiques du profit.

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