S’étendant sur plus de 35 hectares, le site de la Chartreuse est aujourd’hui la dernière foret urbaine au cœur de Liège, ainsi que son principal poumon vert sur la rive droite. Cette expression, poumon vert, n’est pas galvaudée puisque le déboisement total du site (ce qui n’est pas programmé précisons-le toutefois) conduirait à émettre de 400 à 2000 tonnes de CO2 de plus dans l’air chaque année alors que la qualité de l’air constitue déjà un problème majeur à Liège.
Le site est par ailleurs classé « de grand intérêt biologique » par la Région wallonne, et abrite de nombreux animaux. Depuis 1991, il est également classé dans son ensemble par arrêté ministériel pour son intérêt patrimonial et environnemental.
La ville a commencé à aménager en parc la partie du site dont elle est propriétaire, et un nombre croissant de liégeois l’investissent, retrouvant un lieu de loisir unique. Toutefois, environ15 hectares du site sont en ZACC (zone d’aménagement communal concerté) et appartiennent aujourd’hui à deux promoteurs immobiliers privés. Ceux-ci souhaitent y construire pas moins 400 logements au total.
Première étape de ce vaste chantier découpé en 3 zones à urbaniser (selon le rapport urbanistique et environnemental établi en 2009 par la ville), le projet déposé par la firme Matexi au niveau du Thier de la Chartreuse (zone1).
C’est en fait le second projet déposé par cette firme (le premier ayant expiré), et dans cette nouvelle version du projet, Matexi souhaite urbaniser l’ensemble de la zone 1 (soit environ 2,5 hectares) et non plus uniquement le front de rue, passant de 22 à 74 logements, répartis en 32 maisons et 4 blocs d’appartements totalisant 42 logements.
En soit la densification de l’habitat en ville nous semble une bonne option. Toutefois, la Régionale de Liège du mouvement Demain voit deux raisons majeures de s’opposer à ce projet : la préservation de la biodiversité de ce poumon vert, et les enjeux de mobilité majeurs que le projet (avec sa taille actuelle) générerait.
En ce qui concerne la mobilité, tout comme ce fut le cas pour le projet « Haisse Pedroux », l’étude d’incidence démontre que le quartier est incapable d’absorber l’augmentation de volume de trafic lié au projet. Les routes d’accès au site sont déjà totalement saturées aux heures de pointe, et notamment la N3 (côte de Fléron). En outre, les abords du site sont extrêmement mal desservis en transports en commun. On notera à ce propos les deux propositions faites dès 2011 par l’asbl urbAgora, soit la réouverture d’un point d’arrêt à Cornillon sur la ligne de train 40 Visé-Liège (dans le cadre du déploiement d’un RER à Liège), et la création d’une ligne de bus reliant les gares des Guillemins et de Bressoux, et passant le long du site de la Chartreuse. Sans régler d’abord ces problèmes de mobilité, la construction d’une telle quantité de logements nouveaux à cet endroit serait de nature à congestionner toute la mobilité au nord-est de la ville.
En ce qui concerne la protection de la biodiversité, nous ne nions nullement que l’augmentation de la population est un défi important pour la ville qu’il ne s’agit pas d’ignorer. Mais nous estimons qu’il ne peut passer par une destruction des rares espaces verts dont elle dispose, des projets privés de faible qualité architecturale, et une urbanisation sourde à la nécessaire transition en terme de mobilité. Notons en outre que le projet actuel n’intègre pas un seul logement social alors que la ville de Liège est désormais largement passée sous le seuil (jadis légal) des 10% de logements sociaux, et que plusieurs milliers de familles sont en attente d’un tel logement.
Pour Demain, il serait bien plus intelligent de répondre à la question de l’accès au logement en réaffectant les bâtiments et immeubles actuellement inoccupés. Même s’il n’existe malheureusement pas de cadastre précis, on en compterait plus de 3300 sur le territoire de la ville. Ainsi que le Conseil Communal l’a lui-même unanimement voté ce 31 octobre 2017, il s’agirait de se doter d’un plan global pluriannuel en matière d’aménagement du territoire se basant sur plusieurs axes, dont notamment : le comblement des dents creuses ; la remise sur le marché de logements inoccupés (en priorité au centre-ville) et la mobilisation prioritaire des sites désaffectés ou en friche.
La seule partie du site de la Chartreuse pouvant partiellement répondre à ces critères, correspond aux bâtiments du fort (zone 2). Tout projet de lotissement sur le site devrait débuter par la réhabilitation de ces bâtiments. Toutefois, vu leur état de délabrement actuel, et le coût de restauration de tels bâtiments, nous doutons fortement qu’une société privée s’y attelle. C’est pourquoi il nous semble évident que des solutions associant l’autorité publique sont nécessaires si l’on souhaite une issue satisfaisante sortant d’une pure logique de rentabilité telle que celle d’un promoteur immobilier privé.
En conclusion, nous invitons le Collège communal à rejeter le projet Matexi tel qu’il est déposé et à ouvrir un dialogue avec le collectif « un air de Chartreuse » afin de repenser avec les riverains de ce site exceptionnel la meilleure façon de tracer son avenir dans l’intérêt de tous les habitants de la ville.
La Régionale de Liège du Mouvement Demain