Voici un an que nous entendions pour la première fois parler d’un virus venu de Wuhan en Chine surnommé “coronavirus”.  Depuis, ce virus est devenu mondial et on a adopté le nom de la maladie qu’il provoque, “covid-19”, même si son genre (le ou la covid?) demeure incertain; il a fait tomber des présidents et des gouvernements, a nourri l’espoir fou d’un changement de paradigme en nous forçant à ralentir, a mis à nu les Etats et leurs priorités, a révélé davantage encore certaines inégalités (de genre, de classe, d’âge), a fait deux millions de morts, a modifié nos rapports sociaux. En résumé, il a affecté profondément nos sociétés et nos vies, à un point que nous mesurons encore mal.

En outre, la réponse médicale a ouvert grand la question de notre rapport à la science, singulièrement parmi celles et ceux qui se réclament de l’écologie, et d’un devoir d’inventaire sur la technologie et la notion de progrès. Dans un contexte de défiance (souvent justifiée) à l’encontre des gouvernants et des acteurs privés, une grande confusion règne où se mêlent technophobie, théories complotistes parfois assez délirantes et questionnements légitimes.

Comme formation politique, notre rôle n’est pas de nous substituer à la communauté scientifique. Il est par contre, de poser un regard critique sur ses réponses. Il est de comprendre les enjeux sociaux et économiques liés à la crise que nous traversons. Il est d’analyser les réponses politiques actuelles, et souvent malheureusement de devoir les dénoncer et en proposer d’autres.

Nous n’avons pas toutes les réponses. Nous pensons qu’il y a une certaine humilité à avoir face à une crise qui a pris tout le monde de court.  Mais nous avons quand même une grille d’analyse pour comprendre de quoi ce virus est le nom et dire comment nous, écosocialistes en Belgique francophone, agirions si nous étions demain en responsabilité.

Dès lors, voici nos 9 certitudes sur ce virus :

1. Ce virus est un révélateur de la prédation humaine sur la biosphère

C’est un des premiers éléments apparus très rapidement.  Tout comme le virus Ebola avant lui, ce virus est intimement lié à l’emprise croissante de l’homme sur la biosphère. Par notre invasion continue du milieu de vie naturel de nombreux animaux sauvages, nous créons en effet de nouvelles promiscuités entre humains et animaux sauvages, promiscuités qui ont pour conséquence, cela est scientifiquement établi désormais, que des maladies se transmettent plus facilement d’une espèce à l’autre.

Cette pandémie est donc l’occasion de rappeler l’absolue nécessité de mettre fin aux logiques de colonisation et de destruction des poumons verts de la planète, de stopper l’extractivisme, l’exploitation insoutenable des forêts, et le prélèvement intensif d’espèces animales sauvages.

Les épizooties, épidémies frappant les animaux, doivent également beaucoup à l’élevage intensif industriel. « Dans les installations industrielles, la faible diversité génétique et le recours massif à des traitements prophylactiques provoquent un affaiblissement immunitaire, tandis que la concentration géographique des élevages, la densité des animaux et la multiplication des transports favorisent la diffusion des agents pathogènes » (Au nom de la biosécurité par Lucile Leclair https://www.monde-diplomatique.fr/2020/11/LECLAIR/62431)

De ce fait majeur, il n’est aujourd’hui tenu aucun compte. La déforestation se poursuit, l’extraction de ressources fossiles et de minerais se poursuit, l’élevage industriel et intensif également. L’essentiel de l’énergie politique et économique est mise pour pouvoir maintenir et à défaut reprendre dès que ce virus sera vaincu la même dynamique qu’avant. Nous dénonçons cette logique car elle est vouée à l’échec.

2 - Ce virus n’est pas anodin

Se mettre la tête dans le sable face à un danger est une attitude très répandue.  Par peur, par intérêt, par égoïsme, par confusion.  On entend donc depuis des mois deux groupes que pourtant tout semble opposer nous dire que ce virus n’est rien d’autre qu’une “grippette” et que rien ne justifie les mesures sanitaires actuelles. Ce sont d’une part des personnes de droite qui placent l’intérêt économique au-dessus de toute considération et ne raisonnent que sur base de leur intérêt propre (supposé) et de court-terme. Ce sont d’autre part, et c’est plus étonnant, des partisans d’une doctrine environnementaliste libertaire et technophobe qui considèrent que ce virus est un prétexte pour attenter à nos libertés, tester notre capacité de soumission à l’Etat, et pousser à une vaccination de masse dangereuse.

Ce virus touche principalement des personnes âgées et/ou présentant d’autres facteurs de risque (comme l’obésité). Ce virus n’est pas la première cause de mortalité dans le monde. Pour autant, son impact est désormais mesurable dans les statistiques de mortalité nationales de nombreux pays. Il a fait environ 2 millions de morts à l’échelle de la planète, 20.000 morts en Belgique dont la moitié lors de la seconde vague qui a donc été bien réelle et pas moins meurtrière que la première. Pour autant, la létalité de ce virus est bien supérieure à celle des virus traditionnellement repris via la nomenclature de grippe. 

Est-ce que les mesures prises ont permis d’éviter des morts ? Oui, notamment vu le nombre limité de places disponibles dans les services d’urgence qui auraient été sans elles totalement submergés. Et c’est notamment pourquoi il faut dénoncer les mesures d’austérité qui ont affaibli grandement nos capacités hospitalières. Sont-elles sans effet sur notre santé psychologique ? Non. Mais prétendre qu’il eut dès lors été préférable de ne pas imposer des mesures visant à enrayer la propagation du virus relève dans les faits d’une logique eugéniste. Même si cela est fait très maladroitement (notamment sous la pression de certains lobbys économiques), il est très rassurant que très peu de pays aient fait ce choix, et plus encore que ceux qui l’avaient fait (comme la Grande-Bretagne, la Suède ou le Brésil) ont désormais fait largement marche arrière.

Que ce soit par peur, par confusion ou par cynisme, nous estimons que celles et ceux qui nient la réalité de l’impact de ce virus portent un discours dangereux et surtout profondément individualiste.

Convaincus de cela et donc de la nécessité d’agir pour lutter contre ce virus, nous sommes également convaincus que s’enfermer dans une logique axée uniquement sur la restriction de notre vie sociale (confinement, dé-confinement, re-confinement, couvre-feu,etc.) n’est pas une politique sanitaire viable à moyen et long terme. Il est d’une part, urgent d’augmenter les capacités hospitalières. D’une autre, il faut pouvoir assumer les erreurs politiques, logistiques et techniques faites jusqu’à maintenant et en tenir compte.

3 - La vaccination est un progrès social

L’année 2020 était celle du testing (raté), 2021 sera celle de la vaccination (trop lente à ce stade). Au cœur du débat se trouve la défiance à l’encontre des vaccins aujourd’hui proposés par diverses firmes privées.  Plus fondamentalement, on retrouve une peur importante face à des analyses scientifiques et des bio-technologies qui dépassent notre compréhension. 

Il est sain de questionner la notion de progrès parfois utilisée à tort dans une logique scientiste et consumériste. Toutefois, le principe de la vaccination, pratiquée de façon empirique dès le XVIe siècle, théorisée par Koch et Pasteur au XIXe siècle, puis largement utilisée au XXe siècle, demeure pour nous une avancée majeure de l’humanité.  Il s’agit d’un progrès indéniable qui nous a permis de (quasiment) éradiquer plusieurs maladies graves comme la diphtérie, la variole, la coqueluche, la polio, la rougeole, les oreillons, la rubéole, la tuberculose, l’hépatite A, etc. Cette éradication et ces vaccins (fussent-ils issus de laboratoires privés) ce sont des millions de vies sauvées. En France par exemple, et selon les chiffres de l’INSERM, entre 1950 (avant les campagnes de vaccination) et après 1990, la mortalité par million de personnes est passées de 50-100 à 0 pour la diphtérie, de 20-50 à 0,5 pour le tétanos, de 300-1000 à 13 pour la tuberculose, de 20-50 à 0,1 pour la coqueluche.

Il est sain de réclamer que des organismes indépendants puissent analyser et valider (ou pas) les nouveaux vaccins proposés par les firmes privées. Rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que tel n’est pas le cas même si la courte période des essais cliniques (quelques mois) ne peut qu’accroître les risques de ne pas repérer de possibles effets secondaires. Notons toutefois que la relative “lenteur” actuelle des processus de validation à l’échelle européenne (au contraire d’autres pays comme Israël ou la Grande-Bretagne) avant l’autorisation de mise sur le marché est plutôt le gage d’un travail sérieux et pas trop précipité.

Il est sain de comparer les différentes firmes et les différents vaccins proposés. La mise sur le marché rapide de nouveaux produits n’est jamais sans risques. À titre d’exemple, le vaccin de la firme GSK développé en urgence en 2009 contre le virus H1N1 a révélé après deux années d’utilisation des cas de narcolepsie. Plus grave, notons aussi le scandale du vaccin Sanofi contre la dengue hémorragique qui a fait de nombreuses victimes d’hémorragie aux Philippines, ou celui du vaccin contre la paludisme Mosquirix de GSK causant méningites, malarias cérébrales et doublement de la mortalité féminine.  

Mais il est également un fait que depuis 12 mois, nous ne parvenons pas à éradiquer ce virus sans vaccin, que le nombre de victimes se compte désormais en millions, et que le principe d’immunité collective prôné par certains à l’origine ne fonctionne pas. Il s’agit donc collectivement de mesurer où le risque le plus élevé se situe. Pour notre part, nous sommes favorables à une vaccination couplée à un renforcement du contrôle public. Ce contrôle concerne à minima les conditions de mise sur le marché, mais devrait se prolonger par un contrôle accru de la production pour assurer un droit universel à la vaccination.

À nos yeux, la situation serait plus simple si la force publique avait bien davantage la main sur le secteur stratégique que constitue la recherche en matière de santé publique, et notamment le développement de vaccins et de médicaments. Nous sommes aujourd’hui largement tributaires de firmes privées, de leurs choix de recherche ou d’acquisition de  start-ups. C’est le cas du géant Pfizer qui a acheté la start-up allemande BioNTech qui a développé son vaccin le covid-19. Or, une firme comme Pfizer est d’abord régie par des enjeux commerciaux, et n’hésite pas à tricher pour servir ses intérêts. Elle a d’ailleurs été condamnée plusieurs fois déjà ces dernières années. Elle a par exemple plaidé coupable dans une affaire de publicité mensongère relative à plusieurs médicaments aux USA en 2009 et a payé une amende de 2.3 milliards de dollars pour éviter un jugement. Une autre conséquence est le fait que l’on vend au plus offrant créant des écarts abyssaux entre pays riches et pauvres. Le Canada a pré-commandé un nombre de vaccins 5 fois supérieur à sa population, les USA 4 fois, l’UE 3 fois, quand certains pays d’Afrique se retrouvent quasi totalement démunis. Le mélange d’intérêts publics et privés crée aujourd’hui une grande confusion et de fortes inégalités. Pour autant, refuser tous les produits issus de cette recherche privée n’est pas une attitude souhaitable. Très largement, le principe de la vaccination a permis et permet de sauver de nombreuses vies. Il nous semble préférable à ce stade de nous battre pour un contrôle public aux moyens renforcés (interdiction d’exportation, réquisition de lignes de production, voire nationalisation) et pour une transparence d’action totale des pouvoirs publics (publicité des contrats signés), ainsi que pour une réelle équité au sein des pays comme entre les pays à l’échelle planétaire. Nous rejoignons d’ailleurs les demandes de levée des brevets sur ces vaccins, car ces brevets renforcent l’insupportable inégalité de répartition entre pays riches et pays pauvres.

Notons enfin que la vaccination n’est pas le seul outil. Il est essentiel de promouvoir par ailleurs des campagnes publiques de renforcement de nos défenses immunitaires. Ce n’est pas fait et pas promu aujourd’hui. C’est sans doute moins immédiat et plus contraignant car cela passe par des changements structurels mais c’est bien plus durable et souhaitable.  Pour ce faire, il s’agit d’assurer à toute la population l’accès à une alimentation saine et équilibrée, d’éventuellement recourir en sus à des supplémentations vitaminiques ou sous forme d’oligo-éléments.  Il s’agit par ailleurs de réduire les pollutions qui affaiblissent nos systèmes immunitaires, et de permettre une bonne hygiène de vie (accès démocratisé au sport, accès à des espaces verts, y compris dans les villes, etc.). Tout cela pourrait se retrouver compilé dans un grand plan national pour l’immunité. Avantage non négligeable, ce plan ne nécessiterait aucunement de dépendre de multinationales ou de solutions technologiques complexes.

4 - État d'urgence, droits collectifs et libertés individuelles : les réponses autoritaires sont dangereuses

La vaccination, mais avant elle le respect des règles de confinement ou de couvre-feu qui limitent indubitablement nos libertés individuelles au nom de la lutte collective contre le virus, ont ouvert un large débat sur cette question. De nombreux citoyens se sentent brimés. Et, ce sentiment est renforcé par la conviction de l’absurdité et même de l’iniquité de certaines mesures.

La vaccination doit demeurer un choix personnel mais il est important de comprendre qu’elle est un enjeu collectif puisque l’efficacité d’un vaccin dépend largement du pourcentage de la population qui s’y soumet. 

Nous vivons dans une société qui a toujours eu à trouver un équilibre entre d’une part nos libertés individuelles, nos droits sociaux, et d’autre part le souci de l’intérêt collectif. Faire société harmonieusement, c’est précisément trouver cet équilibre. Pour des écosocialistes, la question démocratique liée au respect des libertés et droits est au cœur de notre capacité d’épanouissement. La privation de certaines libertés et la négation des aspirations personnelles est d’ailleurs au centre de l’échec du projet communiste au siècle dernier. Pour autant, un projet qui ne miserait que sur la satisfaction sans limite des aspirations individuelles, surtout dans un cadre où l’égalité n’est pas du tout assurée, n’est pas notre idéal. 

La difficulté de certains à accepter des règles collectives est renforcée par le fait que des dynamiques de privations de libertés et droits sont observables depuis plusieurs années, hors de ce contexte sanitaire. Répression policière plus brutale, mesures judiciaires en réponse aux combats syndicaux, surveillance accrue, sont autant d’éléments qui ne rassurent pas sur les intentions de la force publique. Comme sur celles de firmes privées, notamment les GAFA, qui nous espionnent largement d’ailleurs.

L’inconséquence de certaines règles est également pointée du doigt à juste titre. Par exemple, dans la définition de ce que sont les secteurs essentiels, dans la volonté de maintenir en activité certains secteurs productifs quand d’autres comme la culture (et plus généralement notre vie sociale dans toutes ses dimensions) sont sacrifiés. Il est évident que nos dirigeants sont soumis à des pressions qui ne correspondent ni à l’intérêt collectif, ni aux recommandations de la communauté scientifique.

Pour trouver et établir cet équilibre, la seule solution c’est : plus de démocratie.  C’est la seule façon de recoudre le lien aujourd’hui abîmé entre le citoyen et l’autorité publique. Il faut plus de transparence dans les décisions. Il faut plus de participation citoyenne. Le principe d’assemblée citoyenne tirée au sort que nous portons serait par exemple parfaitement adapté au contexte actuel. Une décision émanant d’une telle assemblée pour définir ce qu’est un secteur essentiel ou établir des critères devant mener à du confinement, serait bien moins susceptible d’être accusée (à tort ou à raison) d’être le fruit des pressions extérieures de divers lobbies. Au contraire, la crise actuelle a conduit de nombreux gouvernements à consulter encore moins la population, et l’on a vu des dirigeants s’ériger en “pères” infantilisant largement des populations, sinon mettant en cause leurs actes individuels.

5 - Le droit à l’information, tout comme la formation aux médias sont des enjeux démocratiques vitaux

Les réseaux sociaux ont aujourd’hui largement pris le pas sur les médias traditionnels dans certaines tranches de la population.  Autant on peut (on doit) porter un regard critique sur l’information produite par les médias traditionnels (singulièrement ceux, privés, qui répondent à une logique purement commerciale), autant les réseaux sociaux ont permis de rendre accessibles d’autres façons d’informer et d’autres points de vue, autant ils sont également aujourd’hui le vecteur principal de beaucoup de confusion et à la base d’une pensée complotiste qui fait florès. N’est pas journaliste qui veut, tout comme n’est pas virologue qui veut.

Face à cela, cette crise est un révélateur de l’absolue nécessité de donner à nos enseignants les moyens de travailler mieux pour éveiller l’esprit critique et la capacité d’analyse de nos enfants. Plus précisément, cela prouve la nécessité d’intégrer rapidement des formations d’éducation aux médias et aux réseaux sociaux dans le cursus scolaire. La capacité de comprendre mieux les enjeux liés à l’intrusion de la technologie dans nos vies (ces aspects positifs comme négatifs) est également un enjeu majeur.

Notre Mouvement est inquiet par la grande concentration des médias et des réseaux sociaux entre les mains de quelques acteurs privés – la plupart du temps étrangers – et estime que c’est une menace réelle qui pèse sur le droit à l’information, ainsi que sur la pluralité et la qualité de l’information.

6 - L’Etat dans sa forme actuelle a prouvé son utilité comme ses limites

Comme chaque fois que la tempête gronde, ce sont bien les Etats qui sont appelés à la rescousse. Et l’on voit les mêmes, néolibéraux et partisans du marché roi de tous poils, qui ne cessent de comprimer les moyens publics venir quémander l’aide précieuse des Etats.

Certains Etats se sont mieux sortis que d’autres de cette crise. De fait, celle-ci a agit en révélateur de leur efficacité ou simplement de leur fragilité dès lors qu’ils ont été vidés de leur substance avec constance. On peut penser à la France d’Emmanuel Macron mise à nu par la crise actuelle.

On doit penser aussi à notre pays. De la saga des masques en passant par le testing défectueux, on a dû constater un État fédéral inefficace et indécis. L’absence de coordination et même parfois de solidarité entre Régions a été également largement mise à nu.  Avec une Flandre plus que jamais à droite et centrée sur ses seuls intérêts, le temps est venu pour la Wallonie et Bruxelles d’ouvrir une réflexion sur leur avenir commun avant de simplement subir le contexte actuel.

La crise a aussi montré toute l’utilité de pouvoir publics proches des citoyens. On a ainsi vu des communes suppléer l’Etat fédéral pour l’achat de masques, la mise en place de mesures d’aides au commerce local, l’aide aux plus précaires et aux plus jeunes, etc. Plus souples, plus réactifs, plus proches du terrain, les pouvoirs locaux ont besoin de davantage de moyens pour assumer pleinement leurs missions. Il faut également y (re)vitaliser la démocratie avec des assemblées citoyennes à l’échelle des quartiers dans les villes ou des communes plus petites.

Dans la sphère économique, la démocratie est également absente ou très peu présente. Pourtant, les forces sociales que représentent les organisations syndicales et les instances réprésentatives comme les CPPT peuvent être des outils précieux dans la lutte contre le virus. La stratégie sanitaire ferait ainsi appel à la participation des forces vives du pays et à la confiance des autorités en elles, évitant ainsi d’utiliser la coercition, trop souvent mobilisée ces derniers temps.

À l’autre bout de la chaîne, l’Union Européenne a été pareille à elle-même : engoncée dans son dogme libéral, lente, peu efficace, opaque, quand pourtant elle aurait pu être un acteur fort en soutien aux Etats, notamment pour stimuler la recherche sur le vaccin puis pour organiser des commandes en nombre suffisant en toute transparence.

7 - Il va falloir refuser les dynamiques d’austérité à venir

À la crise sanitaire succédera en 2021 une crise économique majeure. L’effondrement des marchés financiers en témoigne d’ores et déjà.

Les mesures prises par les divers états afin de protéger les travailleurs face au ralentissement de l’activité économique ont permis de sauver des vies et des entreprises.  Le nombre de faillites en 2020 à même baissé fortement en Belgique.  Mais cette stratégie ne pourra tenir sur la durée car elle creuse l’endettement des Etats qui n’ont pas en parallèle décidé de ponctionner des moyens auprès de ceux qui ont les épaules les plus larges et des entreprises qui bénéficient du contexte actuel (on pense à l’e-commerce).

En conséquence, les politiques d’austérité risquent très rapidement de refaire leur apparition. Il faudra refuser par tous les moyens de s’enfermer à nouveau, avec des conséquences sociales et écologiques majeures, dans un modèle économique qui montre chaque jour davantage son absolue faillite. Le combat des prochains mois est celui du partage des richesses, et donc celui pour une fiscalité plus juste et redistributive qui permette aux Etats de continuer de jouer leur rôle. Au premier rang des mesures à promouvoir se trouve pour nous celui d’un revenu maximum autorisé (lié à un revenu minimum). C’est, à côté de l’impôt sur la fortune, le premier mécanisme qui va permettre de mettre fin à l’écart croissant entre riches et pauvres dans nos sociétés.

Un autre énorme point faible que relève cette crise est notre absence d’emprise sur l’action du secteur des banques et assurances. Aucun enseignement n’a été tenu de la crise de 2008. C’est pourtant un élément essentiel pour éviter un grand nombre de faillites et permettre demain une économie basée sur d’autres valeurs (priorité à l’économie réelle et non à la finance, politique de prêts tournée vers la relocalisation économique, les secteurs permettant une alliance emploi-environnement, l’économie sociale et coopérative, les petites structures, le secteur public,…).

8 - L’économie doit être réimbriquée dans un projet de société qui fait sens

Au contraire, de ce qui est en œuvre, soit la volonté d’un “retour à la normale”, cette crise doit être l’occasion de changer radicalement de cap. Nous devons réimbriquer l’économie dans un projet de société qui fait sens.

Cette crise doit être l’occasion d’imposer des règles de protectionnisme social et solidaire. Elle doit être l’occasion de ralentir la machine productive et de la recentrer sur les activités socialement utiles et écologiquement soutenables. Elle doit être l’occasion de questionner la mondialisation économique et de promouvoir une plus grande souveraineté alimentaire mais également économique au sens plus large, y compris dans les secteurs plus technologiques et dans l’industrie lourde. Nous devons enclencher une politique de relocalisation économique résolue.

Cela commence par l’arrêt des négociations en cours avec les 12 pays (ou alliance de pays) avec lesquels nous discutons pour mettre en place des accords de libre-échange et par la sortie de ceux déjà en vigueur comme le CETA.

9 - Quand cette crise sera dépassée, l’enjeu climatique va revenir en force

Le ralentissement économique lié à la pandémie actuelle aura à peine offert un minuscule répit. On a vu des dauphins dans la baie de Trieste, des cygnes dans la lagune de Venise, des animaux sauvages dans nos villes. On s’est baladé près de chez nous plutôt que de prendre l’avion, on a cultivé nos potagers, on s’est inscrit dans des groupes d’achat commun de produits locaux. On a ré-enfourché nos vélos. Mais tout cela peut-il s’inscrire dans la durée et s’amplifier ? Tout cela peut-il s’accompagner de changements structurels sur la mobilité douce, les transports en commun, le soutien à une agriculture raisonnée ? L’enjeu climatique (et plus largement écologique) s’il est largement sorti des radars médiatiques et politiques n’en demeure pas moins LE défi des prochaines années pour nos sociétés.

Le réchauffement climatique se poursuit, la hausse des émissions de C02 à l’échelle planétaire aussi. On a même vu des signaux très négatifs comme le développement de l’e-commerce et du fret par avion. 

Les prochaines années constitueront notre dernière chance de procéder à une bascule de société avant que la crise climatique ne nous submerge totalement. Cette pandémie devrait être l’occasion de rompre avec le “business as usual”.

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