Cesser le feu à Gaza, et rétablir immédiatement des conditions de vie plus “normales” est une évidence. Mais après ? Souhaite-t-on un simple retour à la situation dramatique qui a prévalu jusqu’au 6 octobre ? 

En novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations Unies a pris la responsabilité de mettre fin à la tutelle coloniale de la Grande-Bretagne sur la Palestine.  Celle-ci lui avait été confiée par un Mandat de la Société des Nations en 1920. Cette « décolonisation » fut un fiasco. 76 ans plus tard, la situation perdure mais avec un autre colonisateur. Malgré les quelques efforts faits pour changer cet état de fait, notamment via les accords d’Oslo en 1993, le fait colonial, entraînant son lot quotidien de discrimination et de violence à l’égard du peuple colonisé, continue à empirer. Les derniers crimes en cours dans et autour de la bande de Gaza, mais aussi en Cisjordanie, en sont la triste illustration. 

L’évolution politique du pays est telle qu’il n’y plus d’interlocuteurs politiques crédibles et libres de part ni d’autre. Il est temps que les Nations Unies reprennent les choses en main afin d’organiser une sortie par le haut. Plusieurs agences de l’ONU sont déjà présentes sur place et peuvent servir d’appuis civils pour rencontrer les besoins immenses des populations locales. La principale est bien entendu l’UNRWA dont le rôle est fondamental pour les écoles et les hôpitaux, mais aussi pour gérer les « camps » dont il est temps que le statut évolue. Et tant l’OMS que le Programme alimentaire mondial et l’UNICEF doivent continuer à jouer leurs rôles respectifs. 

Le temps de l’OCHA (affaires humanitaires) et de l’UNSCO (processus de paix), malgré leurs contributions positives jusqu’ici, est révolu : l’ONU doit prendre le contrôle total et exclusif des territoires palestiniens délimités par la Ligne verte (armistice de 1949) et gouverner seule pour un temps déterminé de Jénine à Rafah en passant par Jérusalem. Elle doit exercer tous les pouvoirs administratifs, notamment de police en commençant par désarmer tous les groupes et individus armés, quels qu’ils soient. 

La question épineuse du foncier doit être prise vigoureusement en main par une administration dédiée à cet effet, qui reprendra en premier lieu tous les titres de propriété disputés et les conservera jusqu’à résolution satisfaisant les parties concernées. Toutes les nouvelles autorisations de bâtir relèveront exclusivement de cette administration qui commencera par régulariser toutes les situations bloquées naguère par le pouvoir colonial mais n’entérinera au contraire pas celles créées par celui-ci au détriment des autochtones. 

Les besoins en infrastructure sont colossaux, et pas seulement pour reconstruire les destructions massives causées par toutes les guerres menées par le pouvoir colonial, notamment à Gaza. Il faut également construire un réseau routier moderne partout en Palestine, notamment pour relier la bande de Gaza au restant de la Cisjordanie. Il faut mettre un réseau électrique performant en place, avec des centrales efficaces, surtout en énergies renouvelables. Mais il faut aussi reconstruire l’aéroport financé par des dons internationaux en 1998 et détruit par le pouvoir colonial dès 2001. Il faut aussi construire des ports, notamment pour la pêche, sur la côte de la bande de Gaza, et bien entendu assurer des droits pleins et entiers aux marins palestiniens. 

La liberté de passage de et vers les territoires palestiniens ne peut pas se limiter à la mer : l’ONU prendra également en charge la liberté de circuler normalement par voie terrestre avec l’Égypte et la Jordanie. Une voie de chemin de fer devra être construite entre Port Saïd et Amman en passant par Beit Hanoun et Jéricho. 

Le coût de la reconstruction de la Palestine est colossal mais les ressources sont là pour y faire face. La Palestine dispose en effet d’immenses ressources gazières qui peuvent être mises en valeur et achetées en priorité par une agence spécialisée de l’Union européenne dans des conditions économiques qui bénéficieront aux deux parties. Il est évident que l’extraction d’énergie fossile est un problème en soi, mais il ne s’agira que d’une substitution temporaire à l’acquisition de cette énergie polluante auprès d’autres pays qui n’ont nul besoin d’aide européenne. 

La maîtrise des ressources du sous-sol palestinien ne doit pas se limiter au gaz naturel. L’eau est une ressource cruciale et indispensable à la vie. Elle doit être rendue à la population palestinienne et gérée au mieux de ses intérêts à long terme. Ceci inclut bien entendu sa distribution intelligente et équitable mais également l’épuration des eaux usées permettant une réutilisation raisonnable, notamment dans l’agriculture. 

L’administration onusienne de la Palestine ne doit pas être éternelle, sauf à Jérusalem et environs comme décidé en 1947. Le restant des territoires palestiniens sera transmis à une autorité locale démocratiquement élue dès que les conditions de son apparition, à favoriser par l’ONU, seront réunies.

Une opinion de Thierry Bingen

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