Le Rojava. Ou, plus exactement, la Fédération Démocratique de la Syrie du Nord.
Une zone autonome, couvrant environ un tiers de la Syrie et abritant 6 millions de personnes, coincée entre la Turquie d’Erdogan, la Syrie dirigée par Bachar Al-Assad, l’Irak et l’Iran. Une utopie en construction, démocratique, écologique, féministe, isolée parmi les conservatismes et les nationalismes. Une société multiethnique, multiculturelle, multiconfessionnelle. Et trilingue. Malgré tout, un projet unitaire qui s’inscrit dans une tradition socialiste historique, le communalisme libertaire. Un processus en cours dans des conditions plus que difficiles.
Après la guerre civile, la lutte victorieuse contre DAESH – qui mit un temps le Rojava sur la carte, avant qu’il ne disparaisse des flux d’informations, il y a à présent la gestion de camps de réfugiés (et d’anciens djihadistes),les dommages du récent séisme et les attaques aériennes incessantes par drone du régime turc (lequel a également envahi une partie du territoire et n’hésite pas à soutenir des organisations djihadistes comme dans la région d’Afrin).
Tout ceci est beaucoup pour ce territoire qui malgré tout tente de tenir debout, pour des populations qui font vivre ce projet de société malgré les embargos. Partant de peu, la région ayant été longtemps vouée aux monocultures et le maraîchage vivrier rendu impossible par l’interdiction aux Kurdes de posséder des terres – entre Tigre et Euphrate, nous sommes pourtant au cœur du Croissant fertile. De nombreux cours d’eau sont asséchés (sciemment par la Turquie), l’accès à l’eau potable rendu compliqué, de même qu’une production régulière d’électricité. Enfin, parce que tout est lié, une reforestation, une verdurisation de la région est cruciale pour lutter contre les effets du changement climatique.
L’organisation de ce territoire se faisant en suivant les principes du communalisme, résolument dans une dynamique de coordination des unités de base locales, nous, élus locaux, avons voulu aller voir de plus près comment ça se passe. Surtout, comment de chez nous, nous pouvons soutenir, aider. Chose qui n’a de sens que si nous nous coordonnons avec les premiers intéressés, écoutons leurs besoins, relayons leurs demandes. C’est ainsi que, à l’initiative de David Dessers (Groen), premier échevin à Leuven, le projet d’une délégation, d’un voyage de solidarité, a émergé. Des élus rouges-verts belges à la rencontre d’un projet qui, s’il n’en porte pas le nom, résonne avec notre vision écosocialiste. Avec le soutien du Parti de la Gauche Européenne, dont le Mouvement Demain est membre observateur – ce qui, au PGE, n’empêche pas d’être très actif.
Au vu de la situation actuelle, et le voyage ne durant qu’une semaine, notre périple se concentrera essentiellement dans le canton de Jezire (à l’Est). Et débutera, le 8 mars, par la rencontre avec le mouvement des femmes de Qamishlo. La question de l’autonomie des femmes, de leur égale participation à la vie citoyenne et à la décision politique est en effet centrale dans le développement du fédéralisme démocratique. Le voyage se poursuivra avec de nombreuses visites de terrain, à la rencontre des projets et des actions solidaires qui fleurissent partout.
Un voyage dont nous sommes déjà impatients de vous partager les impressions et dont nous espérons qu’il sera le début d’une aventure solidaire avec les populations du Rojava.
Virginie Godet et Pierre Eyben.
