Encore une fois…
Des journalistes, des animateurs enfermés dans ce cube de verre, encore.
Pour sensibiliser à la question de la pauvreté qui touche les enfants, encore.
Pour encourager tout-un-chacun à faire preuve de solidarité, encore.
Sans jamais poser la question du comment.
Comment il se fait que dans nos pays ceci soit encore possible.
Sans interroger les mécanismes à l’œuvre et rappeler que derrière chaque enfant souffrant de la pauvreté, il y a une famille. Des familles, avec des histoires différentes. La pauvreté est multiforme.
Les familles monoparentales, les emplois précaires, le chômage de plus ou moins longue durée, le temps partiel, le statut de cohabitant qui fait d’une personne une déclassée dépendante.
La crise sanitaire qui touche tant de secteurs et suspend une épée de Damoclès sur bien des têtes.
La crise économique par celle-ci aggravée, l’augmentation du prix de l’énergie et des biens de première nécessité.
La crise du logement, qu’il s’agisse des prix dans le parc privé ou du manque de places dans le logement public.
La bonne volonté de chacun, individuellement, et tant honorable soit-elle, ne relève alors que d’un emplâtre sur une jambe de bois.
Mettre fin à la pauvreté relève d’un véritable projet de société, une société solidaire où chaque individu prend sa place au sein du groupe. Où le groupe porte l’individu. Dans un perpétuel mouvement de balancier de l’un à l’autre. Où les moyens sont dégagés pour répondre aux besoins de toutes et tous. Tant que nous n’avons pas fait cela, pour paraphraser Victor Hugo, nous n’avons rien fait. Et nous en sommes toutes et tous solidaires et responsables.
Les solutions ne peuvent être conjoncturelles. C’est toute la structure qui est à revoir. Chaque choix budgétaire est un choix politique.
Ainsi le statut de cohabitant doit être abrogé. Il ne peut y avoir de citoyen, de citoyenne de seconde zone. Il ne peut y avoir de sous-statut qui casse les solidarités.
Au-delà de cela, les moyens doivent être donnés à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales – les récents Pandora Papers ont fait un lamentable pschitt dans l’actualité- afin d’obtenir de réelles possibilités de refinancement de la sécurité sociale et des services publiques, notre bien commun.
D’autre part, et ceci concerne tant les enfants que les parents, l’enseignement doit être réellement gratuit, et des repas équilibrés et sains proposés gratuitement dans toutes les écoles.
Tout ceci serait néanmoins encore insuffisant. Il sera encore nécessaire de réorienter les politiques économiques vers la création d’emplois durables et non-délocalisables, qu’ils relèvent du secteur public ou privé.
Vouloir tout cela ne relève pas de la douce rêverie. C’est une question qui est posée, celle de la société dans laquelle nous voulons vivre. Ce sont des choix qui doivent être faits, pour toutes, tous, et chacun, chacune. C’est une question de volonté.
Il s’agit, pour l’avenir, de nous sortir les doigts du cube …
Par Virginie Godet, écrivaine, membre du comité fédéral du mouvement Demain
Ce texte est également paru dans Le Vif et dans l’Asymptomatique
Merci pour ce billet. Les personnes pauvres n’ont effectivement pas besoin de compassion, elles ont besoin que leur droit de vivre une vie digne soit respecté, ce qui implique une bifurcation radicale vers l’écosocialisme – celui qui acte que toute violence faite à un humain finit toujours par une violence faite à la nature et vice-versa, sans intégrer le marché et le libre-échange comme des réalités immanentes et définitives.
Au sujet de cette pauvreté qui blesse durablement 1 enfant sur 5 ou sur 4 en Wallonie et à Bruxelles, voici une question à poser à tout CPAS belge, quelle que soit la majorité politique qui l’administre.
Dans la lutte contre la pauvreté des familles et personnes qui ont des enfants à charge, les allocations familiales sont précieuses.
Jusqu’en 2015, prévalait une interprétation de la loi qui les « sanctuarisait » lors du calcul du montant de l’aide sociale à allouer par les CPAS à leurs usagers.
J’explique en deux mots. L’aide sociale (financière) est calculée sur la base d’un forfait, dont le CPAS peut soustraire toutes les ressources de la personne à aider (le petit salaire d’un travail à temps partiel s’il est inférieur à ce forfait, par exemple). Toutefois, il ne peut soustraire certaines de ces ressources. C’est le cas, par exemple, des contributions alimentaires reçues par un parent séparé qui assure l’hébergement d’un enfant.
C’était aussi le cas des allocations familiales, sur la base d’une interprétation de la loi qui a eu cours pendant plus de 10 ans. La Cour de cassation a malheureusement mis cette thèse en échec en mars 2015.
Pendant la longue bataille juridique clôturée devant la plus haute juridiction du pays, le point de vue des avocats qui représentaient les usagers des CPAS était aussi celui de nombreuses associations (de lutte contre la pauvreté, de promotion des droits des femmes, jeunes et de l’enfant)… Qui se trouvait de l’autre côté de la barre ? Des avocats des CPAS, relais opiniâtres d’une philosophie politique rendant les personnes pauvres responsables de leur sort.
Prenons donc pour ce qu’elles sont les plaidoiries larmoyantes de certains présidents et de certaines présidentes de CPAS lorsqu’ils se plaignent du manque de moyens pour faire face à la pauvreté qui monte – dont celle des familles avec enfant : du baratin de pompier pyromane !…
Tout à fait d’accord,très bon texte.