Selon les chiffres du SPF Finances repris par la presse ces derniers jours, 853 entreprises belges ont envoyé plus de 221.3 milliards d’euros vers des paradis fiscaux en 2016. Cette somme faramineuse représente 57% du PIB la même année. En outre elle ne comprend pas les sommes envoyées vers des pays comme Singapour, Panama, Hong Kong ou encore le Luxembourg que notre pays ne considère pas ou plus comme des paradis fiscaux alors que la fiscalité y est également quasi inexistante.
On notera qu’une étude de PWC (Service international d’audit financier et fiscal) que l’on peut difficilement taxer d’être une organisation à la solde de la gauche radicale, commandée par le Service Public fédéral de Programmation/Intégration Sociale, rappelait en 2014 que la fraude sociale concerne à peine 4,5% des usagers des CPAS, et conduit quasi systématiquement à un recouvrement des sommes (modestes) dues. De l’aveu même de certains CPAS, ce pourcentage est en outre sujet à de nombreuses questions, certains usagers étant qualifiés de « fraudeurs » tout en étant dans leur bon droit.
Traduite en chiffres, la fraude aux allocations sociales était de 28,47 millions en 2012 (Bulletin de la Chambre – question parlementaire n°0159 – Législature 53). Par ailleurs si on considère l’ensemble des fraudes imputables aux citoyens (très riches, aisés ou pauvres) : revenus non déclarés, fraudes aux allocations de chômage/CPAS/familiales, à la TVA, travail en noir, etc., elles ont été évaluées à 24 milliards d’euros, soit 6,9% du PIB en 2006 (étude ULB pour la FGTB). Supposons même qu’elles se soient accrues depuis, on est encore bien loin des 57% de PIB que les entreprises soustraient à l’impôt par cette opération qui n’est cependant pas unique.
Alors que la fraude sociale est marginale et concerne des sommes dérisoires en comparaison de la fraude fiscale, c’est pourtant exclusivement à celle-ci qu’avec beaucoup de lâcheté, les Gouvernements, et singulièrement les deux derniers, ont décidé de s’attaquer, multipliant les mesures de contrôle et les atteintes à la vie privée.
La somme qui a été envoyée dans des paradis fiscaux en 2016 représente plus de 150 fois le budget annuel de la justice, laquelle se retrouve parfaitement démunie pour lutter contre les montages souvent complexes mis en place.
Pour le Mouvement Demain, il est plus que temps de faire pression ensemble, syndicats, progressistes, écologistes, monde associatif, afin d’obtenir deux changements majeurs :
- Des moyens supplémentaires importants pour lutter contre la fraude fiscale, moyens qui seront plus que compensés par les sommes récupérées.
- Une réforme en profondeur de notre fiscalité permettant, outre un retour à une plus grande progressivité de l’IPP, un basculement massif d’une fiscalité sur le travail et la consommation vers une fiscalité sur le capital et le gaspillage.
Les mesures à prendre pour imposer le capital sont connues de longue date : augmenter les impôts sur les dividendes distribués par les sociétés, et instaurer une imposition sur les plus-values à long terme des revenus du capital, laquelle est inexistante en Belgique contrairement aux USA ou à la Grande-Bretagne. Ce dont nous avons besoin dans ce pays qui n’a jamais connu un seul ministre des finances de gauche, c’est d’élus qui puissent être enfin les relais de la volonté populaire de plus de justice fiscale.
Le soutien à l’activité économique ne signifie ni le laisser-faire actuel (qui par ailleurs nuit à l’économie réelle en favorisant à outrance la rente aux dépends de l’investissement) ni le dogme de la croissance qui le sous-tend (en créant des bulles et de la surproduction). Nous devons collectivement pouvoir faire des choix sur notre économie et sur la façon dont nous utilisons la richesse produite afin de mettre fin aux inégalités sociales criantes qui se renforcent, et de préparer la transition dont notre planète à bout de souffle a urgemment besoin.