Le 15 mai 1948 est commémoré par les Palestiniens comme le jour de la catastrophe, nakba en arabe. Suite au vote de l’Assemblée générale des Nations-Unies en novembre 1947, c’est ce jour-là que fut proclamée la création de l’État d’Israël. Dernier épisode des entreprises coloniales européennes, Israël s’en distingue par sa volonté de ne pas s’appuyer sur la population indigène mais, au contraire, de l’expulser pour s’en accaparer les terres. Au cœur du « croissant fertile », il n’était guère difficile de continuer à « faire fleurir le désert », cultivé depuis des générations par les populations locales. Ce projet colonial particulier n’a cependant pas entièrement réussi puisque « seulement » 800.000 personnes ont pu être expulsées de leur pays et que des centaines de milliers d’autres se sont accrochées, quitte à être évacuées de leurs villages et de leurs fermes, mais restant dans leur pays. Les réfugiés sont aujourd’hui des millions à survivre, vaille que vaille mais souvent mal, principalement dans les pays voisins, Syrie et Liban. Ceux qui sont restés sur le territoire mandataire sont aujourd’hui tous soumis à l’autorité coloniale. Leurs statuts sont différents suivant leur lieu de résidence (à l’intérieur de la ligne « verte » de l’armistice de 1949, à Jérusalem-Est, en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza) mais tous ont en commun d’être des « citoyens » de statut inférieur dans la « seule démocratie » du Proche-Orient qui ne l’est que pour ses citoyens juifs, suivant le plan fixé au Congrès de Bâle de 1897 par Theodore Herzl et ses compagnons.
La réalité est en effet que le pouvoir colonial israélien contrôle militairement depuis 1967 l’ensemble de ce que fut la Palestine. Les Accords d’Oslo de 1993 ont entretenu un certain temps l’illusion qu’un État palestinien pourrait être créé sur une portion de Palestine. Toutes les cartes de la « négociation » se trouvant dans les mains d’une seule des deux parties, un aboutissement éventuel ne dépendait que de la volonté des autorités israéliennes. Il est donc clair aux yeux des observateurs attentifs de la question depuis une douzaine d’années que la solution dite « à deux États » n’adviendra jamais. À chaque nouveau gouvernement israélien, la dérive coloniale s’est accentuée. Le gouvernement de droite extrême actuel (Netanyahou VI) est en partie composé de colons installés en Cisjordanie, officiellement investis aujourd’hui de l’autorité sur ces « nouveaux » territoires israéliens, « du fleuve jusqu’à la mer » comme on dit de nos jours. Il est par ailleurs symptomatique que parmi les nombreux citoyens israéliens qui ont protesté récemment contre le gouvernement actuel, régulièrement élu par la majorité des Israéliens qui s’y reconnaissent donc, il ne s’est trouvé quasiment personne pour se soucier de l’avenir du régime colonial.
Il est donc de plus en plus évident que l’amélioration du sort des populations palestiniennes restées dans leur pays d’origine ne pourra se faire que depuis l’extérieur du pays.
Les gouvernements européens restent tétanisés par le sentiment de culpabilité subsistant dans la confusion entre Israéliens et juifs, dont l’extermination en Europe reste évidemment dans toutes les mémoires. Ces gouvernements, et la Commission européenne, continuent donc à soutenir aveuglément les gouvernements israéliens, quelles que soient leurs orientations politiques et leur comportement sur le terrain vis-à-vis des Palestiniens. On en arrive même à en attendre plus et mieux du gouvernement américain, moins poussé que jadis par la communauté juive qui ouvre progressivement les yeux sur la réalité coloniale de ce qui lui avait alors paru être une entreprise de progrès. Peut-on espérer qu’un jour les autorités européennes fassent preuve d’un même réalisme ?
Enfin, une des clés à la “question israélo-palestinienne”, résiderait également dans la stricte séparation entre la politique et les religions dans le chef de tous les acteurs. Hélas, peu d’États dans la région et aux Nations Unies sont en pointe dans l’application de ce principe, une “diplomatie laïque active” et protectrice des droits humains manque cruellement.