Le droit au logement est inscrit dans la Constitution Belge (« chacun a droit à un logement décent » art.23) comme dans celle des autres pays européens. Mais la réalité de terrain est très différente.

Concernant l’accès à la propriété, on constate depuis plusieurs années une forte augmentation du coût de l’immobilier. En 2021, la hausse moyenne a été de 8,5% en Belgique (8,8% dans zone Euro) alors que dans le même temps, la hausse des revenus n’était que de1,5%. On comprend directement que cela complique l’acquisition d’un logement.

La même logique se poursuit en 2022. Cette année en Belgique, le prix moyen d’une habitation a crû de 7,4% par rapport à 2021, atteignant 316kEUR pour une maison et 254kEUR pour un appartement.  On note également de grosses disparités entre Régions. Par exemple, le prix moyen d’une maison à Bruxelles est de 533kEUR contre 227kEUR en Wallonie.

Cette hausse n’est pas liée à une pénurie réelle de logements. Entre1995 et 2021, il y a eu une hausse de 27% du nombre de logements (pour atteindre 5,6millions) alors que dans le même temps, le nombre de ménages n’augmentait que de 21,8% (passant de 4,12 à 5 millions). En Wallonie depuis 2010, on compte 130.000 nouveaux logements pour 70.000 nouveaux ménages.

Dès lors, comment expliquer cette situation ? Un logement sur cinq vendu aujourd’hui ne l’est plus pour y habiter mais comme investissement pour être loué, voir laissé inoccupé le temps de prendre de la valeur. Pour les nouvelles constructions, ce pourcentage est même plus élevé puisque près de 50% de ces nouveaux biens sont achetés par des investisseurs. C’est du jamais-vu chez nous. On était encore à 10% il y a 10 ans. Cette hausse des acheteurs-investisseurs se fait au détriment des acheteurs-habitants.

La conséquence directe de cette situation est qu’un nombre croissant de Belges sont contraints de se tourner vers la location.  Mais là également, on constate une forte hausse des loyers (+6,8% en 2022 par rapport à 2021, passant de 668EUR à 714EUR en moyenne). Pourquoi ? Les raisons sont multiples.

D’abord, parce que la demande est en hausse et que celles et ceux qui achètent des logements plus chers, entendent rentabiliser leur investissement, les louant plus cher, et tirant vers le haut les prix sur le marché locatif.

Ensuite, parce que de nombreux logements sont laissés vides et ne se retrouvent pas sur le marché locatif. Les chiffres existants sont fort parcellaires mais l’on compte à minima entre 17.000 et 26.000 logements vides à Bruxelles, et plus de 30.000 en Wallonie. Dans certaines grandes villes comme Liège, cela représente plus de 2% du parc immobilier. Une partie des logements laissés vides le sont sciemment, notamment pour des raisons de spéculation immobilière.

Enfin, parce que le nombre de logements publics est trop peu élevé.  Il est compris entre 6 et 7% en Belgique alors que la loi (depuis abrogée) avait fixé un objectif de 10% de logements publics.  Les loyers pratiqués dans les logements sociaux (très souvent entre 200 et 300EUR) sont largement en dessous du prix du marché mais le trop faible pourcentage de ces logements crée une pénurie et ne permet pas de tirer vers le bas les prix des locations (ou du moins de freiner leur hausse). Notons d’ailleurs que ce sont en Wallonie, entre 40.000 et 50.000 ménages qui sont aujourd’hui en attente d’un logement social. Et à Bruxelles, où la situation est la plus préoccupante, plus de 50.000 ménages, soit plus de 133 000 Bruxellois (plus de 10,5 % de la population !), dont environ 35 000 enfants de moins de 12 ans. Et depuis début 2020, la liste d’attente y a augmenté de 8,3 % (+ 3909 ménages).

Ajoutons à ce tableau que le coût des énergies explose, ce qui complique évidemment la tâche des plus modestes, surtout dans la mesure où ils habitent souvent des logements mal isolés et énergivores

Comment mettre fin à cette situation et faire respecter un véritable droit à un logement décent pour toutes et tous ?  Trois axes semblent essentiels.

Premièrement, il faut casser la logique de marché actuelle.  Cela passe en priorité par la construction de plus de logements publics, des logements sociaux mais également des logements publics à destination d’une plus large frange de la population et mis en location en dessous du prix du marché.

Deuxièmement, il faut enfin mettre en place une réelle politique de lutte contre les immeubles inoccupés.  Cela passe par un recensement bien plus systématique et précis, par une taxation progressive et dissuasive, et enfin par le développement des agences immobilières sociales qui offrent aux propriétaires de logements inoccupés une porte de sortie avec notamment des aides à la rénovation et un garant institutionnel sur la mise en location.

Troisièmement, nombre de logements sont vétustes et mal isolés.  Et là également, la logique de marché conduit à une hausse des prix et à certains abus (qui dissuadent de rénover les logements). Ces derniers temps, la hausse des coûts sur les matériaux et la main d’œuvre dans le cadre des marchés publics est par exemple un des obstacles majeurs à la rénovation du parc de logements publics. C’est pourquoi nous avons besoin d’une action des pouvoirs publics qui peut notamment passer par la création d’une régie publique qui serait active dans la rénovation et la transformation de logements.

Ajoutons que le statut de cohabitant est par ailleurs un mécanisme injuste socialement et terriblement intrusif (du point de vue du respect de la vie privée) qui crée une pénurie artificielle de logements.  En parallèle des 3 axes développés plus haut, il faut donc absolument mettre fin à celui-ci et obtenir une individualisation des droits ainsi que le réclame de longue date les organisations syndicales ainsi que le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté..

Intervention de notre co-porte-parole Pierre EYBEN dans le cadre du GT logement du PGE le 3 septembre 2022 à Vienne

Ilustration : Image de 8photo sur Freepik

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