On se souviendra que l’annonce par Proximus en plein premier confinement du déploiement de la 5G (en vérité une version limitée de cette technologie dans les bandes de fréquence déjà ouvertes) et ce dans quelques communes belges avait suscité une levée de bouclier, conduisant même certaines communes à voter des motions contre le déploiement de cette technologie.

Depuis, l’avènement de la 5G chez nous a malheureusement connu des avancées majeures sans soulever beaucoup de réactions.

Paradoxalement, c’est l’arrivée au poste de ministre des Télécommunications de l’écologiste Petra De Sutter il y a un an qui aura constitué un véritable accélérateur.  La ministre ne cache effectivement pas sa passion pour cette technologie affirmant “La 5G ouvre la voie à l’innovation et à une société hyperconnectée où les processus seront dirigés en temps réel, bien plus vite qu’actuellement”. Parmi les avancées qui font rêver la ministre, elle cite “des processus industriels dirigés par des robots” ou encore “des drônes qui livreront des colis commandés en ligne”. Leur écologie et la nôtre, écrivait Gorz. Leur idée du progrès et la nôtre a-t-on envie d’ajouter. Petra De Sutter a fixé un agenda serré: “Nous voulons que la mise aux enchères des droits pour la 5G se fasse fin 2021, début 2022 au plus tard. Nous avons fixé le montant de base par fréquence, les exigences techniques et une obligation de couverture dans les textes de loi”(Source). Fidèle au credo libéral, elle propose en outre l’arrivée d’un quatrième opérateur (ce qui signifiera autant d’antennes de plus).  Depuis, au niveau fédéral comme au niveau régional, tout avance à pas cadencé.

En Wallonie : un marchandage avec l’UE

Au niveau wallon, le rapport sur la 5G commandé par la Région wallonne dans sa Déclaration de Politique Régionale a été publié fin février. Les experts ne s’y sont pas montrés unanimes (Source), notamment sur les conséquences sanitaires de cette technologie, mais une chose semble claire dans leur rapport : économie et environnement restent incompatibles avec la 5G puisque la consommation électrique liée au réseau mobile doublerait d’ici 2030 (passant à 545 GWh/an) si la 5G était déployée sur l’ensemble de la Wallonie. 

Fin avril, sans que cela fasse beaucoup de vague, la Wallonie s’est, entre autres choses, engagée à réaliser une “adaptation du cadre législatif d’ici le troisième quadrimestre 2022” afin d’accélérer le déploiement de la 5G … en échange du 1,48 milliard de l’Europe dans le cadre du plan de relance.  Voilà un marchandage qui pose question. Le 26 avril dernier, le journal L’Echo que l’on peut difficilement taxer d’être un chantre de l’écologie radicale titrait d’ailleurs “La Wallonie offre la 5G à l’Europe” (Source). 

D’autres acteurs ont été surpris par cette façon de procéder, dans un communiqué du 27 mai 2021 (Source), l’Union des Villes et Communes de Wallonie affirmait “Il est fondamental, comme le préconise d’ailleurs le rapport d’experts, que la population soit associée au processus de déploiement de la 5G et qu’une consultation soit organisée au niveau régional afin de permettre aux citoyens de faire valoir leurs observations en connaissance de cause (ce qui suppose une information préalable et de qualité) sur l’opportunité du déploiement de la 5G et sur la manière dont elle doit se déployer”, ajoutant “Aucun déploiement ne peut s’envisager sans que le processus de participation de la population n’ait amené à une adhésion suffisante de la population sur l’opportunité et les modalités de mise en œuvre de celui-ci

Au même moment, le comité de concertation (CODECO) s’accordait pourtant, avec l’aval de la Wallonie et de Bruxelles, sur la mise aux enchères des licences 5G.  La ministre Groen De Sutter se réjouissait qu’une nouvelle étape soit franchie dans le dossier. 

A Bruxelles: des normes rehaussées et une consultation citoyenne tronquée 

Région possédant les normes les plus strictes en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, Bruxelles constituait toutefois un caillou dans la chaussure des industriels puisqu’un déploiement complet n’était pas possible dans ce cadre.

À la fin du mois de juillet 2021, le gouvernement bruxellois a plié, décidant de porter la limite des champs électromagnétiques de radiofréquence de 0,1 W/m2 à 0,56 W/m2 soit une multiplication par plus de 5 de l’impact que peut subir tout habitant de la Région du fait des antennes de téléphonie mobile et autres. Cette hausse intervenait après avoir déjà multiplié par 4 en 2013 la norme de 0,024 W/m2 de 2007 du Conseil supérieur de la Santé, et ce pour accueillir la 4G. 

Le ministre de l’Environnement ECOLO, Alain Maron, s’est réjoui de cette décision dans LLB du 23 juillet 2021 affirmant “j’ai soutenu que la 5G nécessitait un débat serein avec la population. Je me réjouis que ce débat ait pu avoir lieu au sein de la commission délibérative, qui a réuni à la fois les citoyens et les politiques”. Il oublie juste de préciser que dans cette commission, les 45 citoyens sélectionnés ne pouvaient prendre position ni sur le principe du déploiement de la 5G ni sur les valeurs limites d’exposition aux rayonnements.

On le voit, chaque nouvelle technologie est dès lors l’occasion d’augmenter les niveaux d’exposition autorisés, mais aussi de contourner un véritable débat avec les citoyens.

En conclusion

Pourquoi sommes-nous opposés à ce déploiement généralisé de la 5G, et plus encore de cette façon ? Cette technologie suscite des craintes chez de nombreux citoyens.  Certaines sont sujettes à débat comme la question de l’impact sur notre santé de l’exposition croissante aux ondes électromagnétiques. La 5G va effectivement augmenter la gamme des fréquences auxquelles nous sommes exposés ainsi que leur intensité même si elle utilise essentiellement de plus hautes fréquences qui pénètrent moins le corps humain.  

Mais il est au moins une raison qui devrait mobiliser tout écologiste et l’amener à se positionner contre la 5G: elle va avoir un bilan environnemental très négatif.  D’une part, même si elle consomme moins que la 4G par donnée transportée, cette technologie va conduire à plus de consommation énergétique comme le montre toutes les études sérieuses sur le sujet (à commencer par celle de la Région wallonne elle-même) en faisant exploser le nombre de données transportées (et stockées). Ajoutons que la 5G va également concurrencer la fibre optique bien moins énergivore. D’autre part, elle va imposer le remplacement de nombreux appareils électroniques devenus obsolètes et l’apparition d’une foule de nouveaux appareils connectés, et donc la poursuite des logiques extractivistes (notamment des métaux rares). 

Le Mouvement Demain est tout sauf technophobe.  Nous pensons que certaines technologies peuvent être positives si elles sont l’occasion de rendre nos vies moins pénibles, voire de faire baisser notre impact négatif sur l’environnement. 

Pour nous, tout avènement d’une technologie nouvelle, en particulier lorsqu’elle est susceptible d’avoir des conséquences aussi importantes que celle-ci,  devrait toutefois faire l’objet d’un véritable débat démocratique.  Que va apporter comme avancées sociétales cette technologie ?  Quelles seront ses conséquences sociale, environnementale et démocratique ? Voulons-nous d’une société hyper-connectée ?

Le fait d’avancer sous pression du monde économique (qui est régi par des questions de profit et de court terme, et non d’intérêt collectif et de long terme), notamment à travers les pressions de la Commission européenne, est en outre une très mauvaise chose. 

Alors qu’ils ont des ministres en responsabilité à tous les niveaux de pouvoir en Belgique, l’on ne peut qu’être attristé par l’attitude des partis écologistes tantôt fervents partisans de la 5G comme Groen, tantôt silencieux mais pas opposés comme le plus souvent ECOLO. La 5G suscite d’énormes oppositions, et ne pas les entendre (ou feindre de le faire) est un très mauvais signal.

Une analyse du Mouvement Demain

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