Le Mouvement Demain tient à apporter son total soutien aux travailleurs de chez Proximus et à leurs familles.  L’annonce par la direction de Proximus d’un nouveau plan massif de licenciement n’est malheureusement que le récent épisode d’une politique de mise à sac des entreprises publiques de ce pays. Nos trois principales entreprises publiques (Proximus, SNCB et Bpost) ont perdu plus de 40% de leur personnel depuis 1997. Cela représente plus de 50.000 emplois sacrifiés.

Cette politique remonte à l’autonomisation des services publics, initiée en 1991 par le gouvernement Martens IX et singulièrement via des ministres socialistes en charge du dossier.

Dans un contexte de rigueur budgétaire extrême et de sous-financement chronique du secteur public, il s’agissait de rationaliser certaines entreprises publiques sans opter – du moins directement – pour une privatisation pure et simple. Le capital demeurait totalement ou majoritairement public mais leur gestion était calquée sur celle du privé et échappait pour l’essentiel à toute tutelle publique et démocratique.

La puissance publique, par l’entremise du Gouvernement et non du Parlement, s’attache principalement à établir un contrat de gestion pour les missions de service public (souvent à minima, et sans jamais tenir compte de son articulation avec l’ensemble des politiques nécessaires, notamment en termes de transition).

Cette stratégie est un échec total.

C’est évidemment un échec social avec ces pertes d’emplois massives, mais également une qualité de l’emploi qui ne cesse de baisser.  Pensons, par exemple, aux contrats précaires de « distributeur » chez BPost.

C’est également une catastrophe écologique avec des choix désastreux comme le désinvestissement des petites lignes et gares par la SNCB, ou le choix du transport par camion (et plus par train) du courrier chez BPost.

C’est enfin un échec pour les usagers avec notamment une hausse de plus de 80% du prix du timbre et la fermeture de la moitié des bureaux de poste en quelques années.

Ajoutons encore un effet pervers puisque ces entreprises sensées rendre un service à la population se muent en véritables vaches à lait pour l’Etat, lequel se comporte progressivement comme un actionnaire gourmand, préférant la rente à l’investissement.

Il est temps que la classe politique qui se lamente hypocritement sans oser aller au fond du dossier, et en particulier les socialistes qui portent une lourde responsabilité dans ce gâchis, prenne conscience que sans changement de cap nous allons droit dans le mur.

Redéfinissons en profondeur le rôle des entreprises publiques.

Pour le Mouvement Demain, la seule solution structurelle passe par une redéfinition en profondeur de la nature et du rôle de ces entreprises.

La propriété publique n’a de sens que si elle signifie une rupture réelle avec les logiques de profit et de court-terme, centrées sur une vision purement économique.

Une entreprise publique doit présenter certaines caractéristiques :  tenir compte des nouveaux défis auxquels l’humanité est confrontée, être exemplaire en regard des objectifs sociaux, et environnementaux, développer des stratégies de long terme axées sur un service universel de qualité, respecter tant les conditions de travail que les contraintes de la biosphère, sans galvauder les deniers publics.

Concrètement nous proposons :

— Une révision du statut d’entreprise publique autonome avec un contrôle politique régulier par les usagers et la société. Non seulement le contrat de gestion et les missions doivent être présentés et amendés au Parlement, mais encore l’ensemble de ces politiques publiques doit faire l’objet d’évaluations régulières, de publicité et de consultations pour permettre d’apprécier le parcours accompli.

— Un renforcement du rôle du Bureau Fédéral du plan comme de l’Institut fédéral du développement durable pour s’assurer d’outils d’évaluations pertinents et transversaux.

Aujourd’hui, la discussion sur les contrats de gestion ne se déroule que tous les 5 ans devant le ministre ou au mieux le gouvernement, sans contrôle parlementaire. C’est ainsi que la fermeture de la moitié des bureaux de poste a été actée en catimini. Gageons que si cette décision avait eu la publicité voulue et que les élus avaient pu se prononcer directement, ils auraient réfléchi avant de valider cette mesure impopulaire mais également socialement et écologiquement désastreuse.

— Que les administrateurs publics rendent des comptes devant le Parlement (via un Comité permanent de contrôle de l’action publique en lien avec les commissions parlementaires dédiées aux entreprises publiques, à l’environnement et aux affaires sociales).

— Que la direction des entreprises publiques incombe à des hauts fonctionnaires, au barème prévu par un tel statut.

Les techniques de management via des hommes ou des femmes du privé ne sont pas meilleures. Elles ne s’articulent que sur un seul objectif, purement économique, alors qu’un service public doit répondre à plusieurs objectifs.

En outre, le fait de s’aligner sur les extravagants salaires du monde anglo-saxon, avec des écarts salariaux qui peuvent aller de 1 à 400 est incompatible avec une philosophie d’entreprise publique.

Alors que d’évidents risques de privatisation accrue (voir totale) pèsent sur ces entreprises,  il convient plus globalement de réaffirmer la nécessaire propriété publique de certaines entreprises rendant à la population des services d’utilité universelle, constituant des monopoles naturels ou présentant une nature stratégique (l’approvisionnement en eau, en nourriture ou en énergie).

Les pays qui ont procédé à des privatisations dans de tels secteurs se retrouvent très souvent dans des situations inextricables et finissent par les renationaliser, du moins en partie (pensons à l’infrastructure ferroviaire en Grande-Bretagne).

Enfin, il convient par ailleurs de contester en tant que tel le principe de libéralisation et d’ouverture à la concurrence de certains secteurs économiques.  A nos yeux, il est essentiel que des pans de notre économie comme ceux définis ci-dessus échappent non seulement à la privatisation mais également à la logique du marché dans son ensemble qui empêche à tout opérateur public de maintenir ses spécificités. L’argument de la baisse des prix via l’ouverture à la concurrence est très largement un leurre.

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