L’accord intervenu cette nuit à Bruxelles sur la politique migratoire européenne n’est pas un « bon accord » comme l’affirme Charles Michel mais un pas de plus vers l’insupportable. A défaut de s’attaquer aux racines de ce qui poussent des hommes et des femmes désespérés à quitter leur terre pour tenter de trouver refuge en Europe, l’UE s’enferme dans une logique irrationnelle (la quantité de personnes tentant de rejoindre l’Europe est très faible en comparaison de la population européenne et ne cesse de diminuer depuis le début de la crise des réfugiés), inefficace (celles et ceux qui fuient trouveront d’autres chemins) et criminelle (les barrières mises à leur exil les amèneront à prendre plus de risques encore).

En résumé cet accord, dont notre Premier Ministre se félicite, prévoit notamment :

– La création de « plateformes de débarquement régionales ».  Concrètement, il s’agit en réalité de prisons dans lesquelles seront triées (et pour l’essentiel expulsées vers leur pays d’origine) les personnes recueillies lors des opérations de sauvetage en mer. De telles prisons sont envisagées dans l’UE, mais aussi et surtout dans des pays tiers contre rétribution (Tunisie, Albanie,…). L’ incompatibilité avec le droit international de ces débarquements hors d’Europe ne semble pas émouvoir les dirigeants européens.

– Un soutien renforcé aux garde-côtes libyens. Concrètement il s’agit de financer une milice armée et violente (de nombreux témoignages en font état) chargée de rapatrier sur le sol lybien (où de nombreux cas de maltraitrance et même d’esclavage ont été constatés) celles et ceux qui tenteraient de rejoindre l’Europe.  Le texte appelle d’ailleurs « tous les navires qui opèrent dans la Méditerranée à « respecter les lois applicables et ne pas faire obstacle aux opérations des garde-côtes libyens ». En clair, l’UE essaye d’empêcher toute action des navires affretés par des ONG pour ne plus avoir à accueillir les réfugiés que ceux-ci sauvent de la noyade. C’est cynique et abject.

Se conduire brutalement à l’encontre de migrants est malheureusement porteur électoralement dans divers pays.  C’est une façon de créer artifiellement un péril extérieur afin de camoufler l’échec économique du système actuel, ainsi que les inégalités sociales croissantes dont il est la source.

En Belgique, la politique « ferme et humaine » dont se revendique notre gouvernement n’est ni l’une, ni l’autre. Elle n’est pas ferme car elle ne permet pas d’endiguer les flux migratoires mais seulement de les détourner.  Et surtout, elle n’est pas humaine car elle criminalise et maltraite (reconduites violentes, enfermement, stigmatisation,…) toujours davantage les réfugiés.  A s’enfermer dans cette violence, dans cette violation de plus en plus récurrente des valeurs de l’humanisme des lumières, notre pays comme l’UE toute entière, font le deuil progressif de nos valeurs et le lit de l’extrême-droite.  Ce n’est pas une prétendue « invasion » qui nous menace, c’est la façon dont pour des raisons électoralistes un nombre croissant de responsables politiques jouent sur les peurs d’une partie de la population.

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