Analyse du résultat de notre mouvement

C’est une belle mais difficile campagne qui s’achève pour notre jeune mouvement.

Le Mouvement Demain souhaite remercier les 4443 électrices et électeurs qui lui ont fait confiance. Mais aussi les nombreuses personnes qui nous ont témoigné à la fois de leur soutien et du regret de ne pouvoir voter pour nous car nous n’étions pas présents dans leur circonscription.

Nous avons fait le choix de présenter des listes complètes pour le seul scrutin régional et dans deux circonscriptions uniquement, celles où nous avions un élu local et la capacité militante de mener campagne sur le terrain.  Si le nombre de voix obtenues n’a pas atteint nos ambitions, nous avons marqué le terrain de notre présence et nos militants ont déployé des efforts intenses pour récolter 2.784 voix (0 ,84%) à Liège et 1.659 voix (1,24%) à Soignies-La Louvière

Si nous n’avons pas encore de réponse définitive pour expliquer notre résultat, voici quelques pistes de réflexion quant aux embuches sérieuses que le Mouvement Demain a pu rencontrer.

En premier lieu, vu le découpage électoral, la marche à franchir pour obtenir un premier élu est très haute, surtout à la première tentative, ce qui a conduit de nombreuses personnes sensibles à notre projet à émettre un vote (dit) utile pour des formations installées. En deuxième lieu, encore beaucoup d’électeurs ne nous connaissent pas et nous avons sans doute parfois insuffisamment vulgarisé nos propositions. En troisième lieu, il y a une difficulté croissante pour accéder aux médias, aux débats et à un affichage public extrêmement restreint. Plus que jamais, l’avantage concédé aux partis représentés biaise largement le scrutin, ce qui est mauvais pour la démocratie dans son ensemble.

Tout n’est pas négatif pour autant. Nous avons mené une campagne honnête et transparente, combattive sans être agressive, dans le respect des valeurs et du projet écosocialiste dont nous sommes porteurs : Démocratie – Ecologie – Socialisme. Le groupe portant ce projet s’est largement étoffé offrant nous le pensons une base utile pour entamer un travail de terrain, avec d’autres chaque fois que cela sera possible.  Nous comptons poursuivre cette bonne voie tant en Wallonie qu’à Bruxelles dans les prochaines années.

La gauche et l’écologie progressent en Wallonie et à Bruxelles

La nouvelle la plus réjouissante au niveau wallon est la disparition de tout élu d’extrême-droite même si ceci est largement dû à la dispersion des voix entre les diverses listes. Sans doute le cordon sanitaire a-t-il également permis de contenir ces formations.

Le Parti Socialiste, s’il reste premier parti, connait le score le plus faible de son histoire et perd 7 sièges.  La gauche dans son ensemble progresse largement grâce aux victoires du PTB et d’ECOLO[1].  Le CDH et le MR reculent fortement[2], sanctionnant leur politique antisociale, ce dont nous nous réjouissons. La majorité de gauche appelée de ses vœux par la FGTB, et que nous soutenons ardemment, devient largement possible (45 sièges sur 75).  Gageons que le PS ne lui préfèrera pas le choix mortifère d’une majorité de perdants avec le MR ainsi qu’il a pu le faire à Liège.  On scrutera avec attention l’attitude de Jean-Claude Marcourt, pressenti comme ministre-président et qui a affirmé en campagne sa préférence pour une majorité de gauche.

A Bruxelles, le recul du PS[3]  est plus que largement compensé par la montée d’ECOLO et du PTB[4], et une majorité progressiste est également possible.

Notons encore que grâce à un accord technique entre « petites listes » le parti DierAnimal dont nous partageons de nombreux combats, obtient avec 1.3% sa première députée.  Nous saluons ce bon résultat tout comme le bon score de cette formation en Wallonie.  La formation Agora qui propose, comme nous le faisions au niveau wallon, la mise en place d’une assemblée tirée au sort obtient également un premier élu.

Une Belgique coupée en deux

Le principal séisme issu de ce scrutin est l’ampleur de la montée de l’extrême-droite.  Vlaams Belang et N-VA (ce parti qui se vante d’assumer des « razzias » parmi les migrants et dont il est de plus en plus difficile de ne pas le classer à l’extrême-droite) réalisent un score cumulé de plus de 43%.

Le pari de la N-VA de faire exploser ce pays n’est plus très loin. Avec 58 sièges sur 124, le bloc séparatiste se rapproche à 4 sièges de son projet historique, celui d’une majorité séparatiste. Le cordon sanitaire est également prêt à voler en éclats.

Avec 31 sièges, la gauche (pour peu que l’on puisse y classer pleinement GROEN et le sp.a qui gouvernent déjà avec la N-VA à plusieurs niveaux de pouvoir) représente à peine 25% de l’électorat flamand, malgré l’élection historique de 4 premiers députés du PVDA (5.32%).

Ce score est le résultat d’un pari perdu, un pari dramatique pour notre pays, celui de courir derrière les thématiques de l’extrême-droite en pensant les diluer. Cette stratégie, c’est celle du MR de Charles Michel, qui impose à nos concitoyens l’aggravation d’une fracture nationale en ayant ouvert la porte du fédéral à la N-VA et son nationalisme nauséabond, pour assurer son accession au pouvoir. Le MR n’a pas été un frein aux revendications de la N-VA comme il a cherché à nous le faire croire, il en fut un accélérateur.  Le duo MR-N-VA a imposé aux trois Régions de notre pays des politiques néolibérales mortifères pour le vivre ensemble et pour la démocratie. A force de jouer avec le feu, le MR et la N-VA ont servi de terreau au retour du Vlaams Belang.

Sur le temps long, la gauche de gouvernement a également une part de responsabilité.  Avec sa conversion au marché et à « l’État social actif », en cessant d’être une force de changement, régulatrice du capital, organisatrice du partage des richesses, actrice volontaire d’une économie au service des humains, elle a perdu tout crédit auprès d’une grande partie de la population et des classes populaires en particulier.

Cette grande asymétrie entre Nord et Sud du pays impose de (re)mettre à l’agenda politique des francophones une réflexion institutionnelle.  La solidarité au-delà des frontières culturelles et linguistiques est essentielle à nos yeux.  Mais le droit à l’autodétermination et le refus de se laisser emporter dans le flot du repli identitaire et raciste, l’urgence d’assumer une autre voix économique et politique (largement majoritaire) sans être contraint par l’échelon fédéral sont également cruciaux.  Un régionalisme de gauche, pragmatique, solidaire, qui ne fasse par l’impasse de la nécessaire solidarité entre Bruxelles et la Wallonie, doit être débattu sans plus attendre. Nous comptons nous y atteler.

Quel avenir pour notre action ?

Nous avons la conviction profonde que l’actualité doit nous inciter à l’humilité, à accroitre le travail collectif, à développer le respect mutuel et les partenariats avec les formations qui nous sont proches, à intensifier un vrai travail de terrain en éducation populaire. Ecoutons encore plus nos concitoyens, travaillons ensemble.

Un enseignement important de ce scrutin est la hausse de votes simples (on vote pour des partis qui symbolisent la radicalité à gauche, le combat pour le climat, à une échelle plus modeste celui pour la défense du bien-être animal) sans questionner trop leur stratégie pour passer des mots aux actes.  En Flandre, c’est également la hausse de votes simplistes, et de repli. Partout c’est la hausse de l’abstention et du vote blanc et nul (désormais à plus de 8.3% en Wallonie)

La gauche, à la reconstruction de laquelle il nous faut travailler, doit placer au cœur de son projet des réponses concrètes et immédiates aux questions de justice sociale et d’urgence écologique. Et soyons clairs, cette reconquête des cœurs et des esprits ne sera possible que dans la rupture avec le capitalisme et le productivisme.

Construire une gauche sociale, environnementale et démocratique digne de ce nom en Belgique francophone, c’est là l’objectif auquel le Mouvement Demain consacrera tous ses efforts dans les semaines et mois à venir.

A tous les progressistes, environnementalistes et démocrates radicaux, socialistes ou écologistes sans parti, anticapitalistes ou militants animalistes, à toutes celles et à ceux venus d’autres horizons, qui nous ont rejoint ou qui regardent nos propositions avec intérêt et bienveillance, nous souhaitons tendre la main.

Nous voulons dire à chacune et chacun que pour nous, dès aujourd’hui commence demain.  Le combat continue, il continue partout, il continue toujours.

Communiqué fédéral du 27 mai 2019

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[1] De 13,68% et 14,48% respectivement

[2] De 4,17% et 5,26% respectivement

[3] De 4,56%

[4] De 9,01% et 9,61% respectivement

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