Faut-il encore présenter Viva for Life ? Après s’être installé à Liège et à Charleroi, en passant deux fois par Nivelles, une 7ème édition de l’opération « cube de verre » se profile à Tournai. Des animateurs qui « jouent » à avoir faim, des vedettes qui incitent les citoyens à donner de l’argent, des médias de service public qui n’analysent pas les causes de la pauvreté mais réduisent la lutte contre celle-ci à « notre générosité ». Est-ce de cette manière que nous sortirons les enfants de la précarité ? Le Mouvement Demain demeure plus que sceptique quant à cette méthode de colmatage, sinon de camouflage. Et si Viva for Life a enregistré son record de dons l’année dernière (et cela prouve la capacité des citoyens à être solidaires), il n’en reste pas moins que c’est une goutte d’eau et que dans un même temps, l’Etat providence est vidé de sa substance, coups par coups.

Une pauvreté au plus haut depuis 10 ans en Belgique

Le grand barnum, le cirque, le cube qui change de ville. Cependant, les problèmes de misère et de pauvreté restent ou pire encore s’accroissent. Selon la dernière enquête EU-SILC (soit la principale enquête sur la pauvreté au niveau européen), 16,4% de la population belge connaissait en 2018 un risque de pauvreté. Avec 14,9% en 2015, 15,5% en 2016, 15,9% en 2017, ce chiffre ne cesse de croître. Sans surprise, les femmes (17,2%), les enfants (20,2%) et jeunes adultes (20,4% pour les 16-24 ans), les ménages monoparentaux avec enfants dépendants (41,3%), ainsi que les chômeurs (49,4%) sont les plus vulnérables à la pauvreté. Il existe également en Belgique de grosses disparités régionales avec un risque de pauvreté d’environ 10% en Flandre, 20% en Wallonie et 30% à Bruxelles. La pauvreté enregistrée l’an dernier dans notre pays était la plus élevée depuis 10 ans ! [Source]

Ajoutons pour finir que certains groupes de population (des personnes sans abri, des personnes en séjour illégal, des ménages collectifs,…) ne sont pas pris en compte dans l’enquête parce qu’ils ne sont pas inscrits dans le registre national des personnes physiques.

Le « charity business » ne fonctionne pas

Il y a plus de 30 ans que Coluche lançait les Restos du Cœur, action, qui, à l’époque, devait être temporaire. Après les 30 glorieuses, les années 80 ont été les années de gloire des politiques néolibérales mises en place par Thatcher et Reagan entre autres. Ce fut le début de la chute de la qualité de vie. On a vu la précarité et la misère, que l’on pensait oubliées, ressurgir avec fureur et violence. Face à ce rouleau compresseur, la bonne volonté individuelle peut parfois panser certaines plaies mais elle n’inverse pas la tendance. C’est le rôle premier de médias de service public comme la RTBF que de le rappeler.

Il ne s’agit nullement ici de critiquer l’entraide ou les dons de personnes engagées souvent elles aussi modestes. Mais jouer sur la corde sensible est un truc bien connu pour apitoyer le monde. Il s’agit de constater froidement que la priorité doit être de trouver des solutions structurelles car la pauvreté continue de croître.

La pauvreté et la misère sont intolérables dans un pays riche

La justice sociale, le respect des droits humains, un toit, une éducation pour tous, constituent le minimum demandé dans une société riche, comme la nôtre. Année après année, la richesse continue de croître en Belgique. Hélas, notre société se dualise : de plus en plus de richesse pour une minorité, une pauvreté tragique pour les autres. On observe de plus en plus de travailleurs pauvres, de citoyens précarisés et sur le fil.

Une lutte à mener qui est politique

Pourtant, la pauvreté n’est pas une fatalité. C’est une obligation pour nos élus politiques que de mettre tout en œuvre pour enrayer cette spirale vers le bas et cela sans délai. C’est pourquoi il est profondément choquant de voir des élus (des ministres) venir remettre un (petit) chèque à une opération caritative comme Viva for Life dans le même temps que rien (ou si peu) n’est fait pour imposer une fiscalité plus redistributive, lutter contre la spéculation ou contre la grande fraude fiscale.

Si nous voulons enrayer la pauvreté, il faut dire NON à l’évasion fiscale, NON aux sociétés écrans. Il faut un impôt juste payé par tous pour une juste redistribution.

Il faut un enseignement gratuit pour tous de 3 à 25 ans, la pauvreté étant profondément affectée par le niveau d’éducation (de 6,4% pour un haut niveau d’éducation à 27,2% pour un faible niveau d’éducation).

Il faut des logements publics et sociaux à construire d’urgence. Aujourd’hui 37,2% des locataires souffrent de pauvreté, et les loyers dans le privé ne cessent de croître

Il faut des services publics de qualité pour TOUS. Il faut des investissements dans le secteur de la santé : de la prévention au curatif. Il faut stopper une médecine à plusieurs vitesses.

Bref, les réponses sont profondément politiques et non « cathodiques ».

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