Cette carte blanche a également été publiée dans Le Vif (Lien)

Le nouveau buzz qui a infecté le pays, y compris le Parlement fédéral, concerne la mise en place d’un « tracking » via le smartphone des citoyens.

Cette idée s’inspire de mesures prises en Chine, à Singapour et en Corée. On notera le caractère autoritaire de certaines de ces contrées, ce dont on peut encore se réjouir n’est pas le cas chez nous. Le danger pour notre vie privée est-il compensé par une «efficacité» reconnue? On va le voir, il n’en est rien.

Ne parlons évidemment pas de la Chine. En Corée, les résultats atteints l’ont beaucoup plus vraisemblablement été grâce au port généralisé du masque et le recours massif aux tests dans une population au grand sens civique. À Singapour, un régime presque aussi autoritaire qu’en Chine, l’usage « imposé » de ce type d’application n’a pourtant été accepté que par 15% de la population ; le recours, comme presque partout sur la planète, au confinement a finalement permis d’enrayer l’épidémie ce que le « tracking » n’avait pas fait. Des spécialistes estiment en effet que, à moins d’une adoption sincère de ce type d’application par 60% des citoyens, elle ne peut avoir d’effet.

Qu’en serait-il chez nous?

Il est totalement impossible d’imposer ce « tracking ». Son utilisation resterait donc volontaire, mais par qui ? Nul doute que nombre de citoyens croyant sincèrement qu’ils ne sont pas dangereux car asymptomatiques, éventuellement testés négatifs (tests généralement pas réalisés jusqu’ici, et pas près de l’être), signaleront leur présence dans l’espace public. Peu importe. Mais que feront tous ceux qui, testés ou non, ne présentant pas de symptômes graves, ont des raisons de penser qu’ils sont porteurs « sains »? S’ils sont des citoyens avec un grand sens civique, ils resteront confinés chez eux ou ne fréquenteront l’espace public qu’en prenant des mesures sérieuses (à commencer par le port d’un masque); pas besoin de les tracer donc. Mais les autres ? S’ils sont au pire réfractaires ou au mieux menacés dans leur emploi, ils n’auront aucune envie de signaler le danger qu’ils représentent…

Ajoutons en plus tous les asymptomatiques non testés, et nous pouvons conclure que le «tracking» ne tracera que très peu de cas dangereux; on sera loin des 60% qui pourraient justifier son usage.

Et quand bien même ce « tracking » donnerait-il des résultats, à quoi bon? S’imagine-t-on un instant qu’on pourrait tirer le moindre enseignement d’apprendre qu’on a « frôlé » trois infectés certifiés sans rien savoir (puisque les tests PCR donnent plein de faux négatifs) des 53 autres personnes qu’on a croisées dans des conditions identiques ce jour-là?

Alors, pourquoi ce buzz au sommet de l’État ? Cette idée de « tracking » n’est de nouveau que de la poudre aux yeux pour faire semblant que nos gouvernants font quelque chose. On évite ainsi de parler de l’amateurisme et de l’incurie de la gestion libérale de la santé publique: où sont les moyens pour les hôpitaux et les maisons de repos. Où restent les masques? Où sont les tests sérologiques? Comment comptent-ils en gérer les résultats?

Vu le danger, très réel lui, d’un glissement progressif vers une société où le contrôle des mouvements des citoyens serait accepté, il est urgent de tout faire pour enrayer l’épidémie du Covid et d’abandonner cette idée saugrenue de «tracking».

Pourquoi nos amis d’Ecolo-Groen ont-ils déposé une résolution pour encadrer ce «tracking»? Pour alléger le poids des chaînes ?

Une opinion de Thierry Bingen

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