Le mardi 24 mai 2022, Madame la Ministre de l’enseignement Caroline Désir a distribué aux écoles une circulaire informative dans laquelle elle a « le plaisir de communiquer le nouveau parcours de l’enseignement qualifiant » prévu pour entrer en vigueur le lundi 29 août 2022. Or, il semblerait que Caroline Désir ait un problème avec les priorités démocratiques de ce pays. En effet, ce nouveau décret… n’est pas encore voté !

Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire, et pour les adeptes de l’humour noir, voici un bref rappel des faits. Cela fait cinq ans que l’enseignement qualifiant (technique de qualification et professionnel) est organisé sous la forme expérimentale de la CPU (Certification Par Unité). Le 30 juin 2022, ce décret prendra fin. Suite à une évaluation ayant jugé cette réforme moins favorable à celle qui avait existé auparavant, la Ministre de l’enseignement Caroline Désir (PS) a donc décidé de ne pas institutionnaliser ce décret expérimental. Problème : il faut bien organiser le qualifiant pour la rentrée qui arrive et ce jusqu’à l’arrivée du tronc commun en secondaire ! Que faire donc ? Vite, vite : un nouveau décret pour septembre 2022 !

L’avant-projet de décret a donc été rédigé et soumis aux organes de concertation sociale en avril 2022. Les syndicats ont rejeté ce décret. Et pour cause : le nouveau parcours de l’enseignement qualifiant prévoit de faire mieux… en donnant toujours moins de budget ! Qu’à cela ne tienne, quand la ministre entend « non », elle comprend « oui ». La suite du parcours législatif est simple : réécriture, relecture au gouvernement, vote au Parlement. Si le décret est adopté, la Ministre se charge d’informer les écoles par une circulaire. Si le décret est rejeté, la Ministre retourne s’afférer à sa réécriture.

Seulement voilà, la Ministre Caroline Désir est tombée dans une faille spatio-temporelle : le mardi 24 mai 2022, la circulaire est publiée avant que le décret ne soit adopté par les député·es parlementaires, avant même avoir été soumis au vote parlementaire, avant même être passé en troisième relecture au gouvernement, sans même avoir subi une seule modification !

Que Madame Caroline Désir, avocate de profession, ne soit pas une experte de l’enseignement peut se comprendre. Mais qu’elle n’ait aucune connaissance des principes fondamentaux de la démocratie parlementaire est stupéfiant ! À moins que l’urgence de l’échéance qui arrive ne soit une raison valable pour souiller les organes de la démocratie. À moins que la délibération collective soit, aux yeux de la ministre sociale-démocrate, une simple formalité dont elle peut se passer pour détruire l’enseignement de qualification et professionnel.

Et passer ce rouleau-compresseur en pleine session d’examens — moment de l’année durant lequel les enseignants ne peuvent sacrifier des heures de cours pour se mobiliser — n’est, bien évidemment, qu’un malheureux hasard…

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