Voici désormais six mois que nous vivons au rythme d’une pandémie planétaire qui, selon les chiffres officiels (source) a infecté plus de 16.2 millions de personnes et fait près de 650.000 victimes.

Notre quotidien est lourdement affecté au gré de diverses mesures qui nous privent d’une partie de nos libertés individuelles et collectives au nom de la lutte contre ce virus. Un régime démocratique est parfois amené à restreindre les libertés individuelles et collectives ainsi qu’à raccourcir les processus parlementaires, au nom d’une crise sanitaire ou pour d’autres raisons comme la sécurité nationale. C’est un exercice extrêmement délicat qui ne peut pas se faire n’importe comment. Il faut par exemple maintenir et même renforcer la publicité des décisions prises, si la publicité des décisions prises au nom de l’urgence sanitaire n’est pas garantie, c’est alors le pouvoir qui est en faute, pas la population. En Belgique, durant toute cette période, l’absence de clarté dans les décisions prises a été manifeste, par désintérêt pour l’exercice de la démocratie dans le chef de nos dirigeants, pour certains, comme par incompétence, pour d’autres, quand parfois ce n’est pas les deux en même temps. Pour le Mouvement Demain, c’est totalement inacceptable.

En Belgique, après une période de déconfinement progressif et dans un contexte de recrudescence (limitée et géographiquement ciblée) du nombre de cas, de nouvelles mesures sanitaires contraignantes viennent d’être annoncées.  Autant nous pensons qu’il convient de lutter contre ce virus, autant nous estimons que ces mesures sèment de la confusion, qu’elles sont inefficaces et injustes.

Pour lutter contre ce virus, trois mesures sont à ce jour scientifiquement établies :

  • Le port du masque pour limiter la transmission
  • Le dépistage massif pour identifier et isoler les personnes contaminées
  • Le confinement ciblé des foyers pour éviter la propagation aux régions voisines

Notre Etat fédéral fait défaut à tout point de vue.

A ce jour, et après une saga qui dans tout autre pays aurait mené à la démission des ministres en charge du dossier, l’Etat fédéral n’a toujours pas fourni à chaque citoyen (à son domicile) quelques masques lavables de qualité acceptable. Les communes et régions ont pallié un peu et en ordre dispersé. Les citoyens ont été pour l’essentiel livrés à eux-mêmes, achetant ou fabricant des masques.  Dès lors que le port du masque est obligatoire, il semble pourtant évident que c’est le rôle de l’autorité publique que d’assurer une fourniture gratuite et en nombre suffisant de masques de qualité, fut-ce en réquisitionnant et réaffectant des lignes de productions locales. Quelques annonces ont été faites mais la réalité est famélique.  On a même vu des autorités publiques faire appel au bénévolat de couturières pour combler leur propre indigence.

Le dépistage massif est recommandé depuis des mois par l’OMS.  Plusieurs institutions publiques (comme par exemple l’Université de Liège) ont développé des méthodes de dépistages efficaces et peu chères. Des pays voisins comme le Luxembourg pratiquent un dépistage massif et régulier de leur population. Selon les chiffres diffusés par Sciensano, en Belgique nous testons actuellement 15.000 personnes par jour au maximum, sur prescription. C’est bien trop peu.

Que ça soit au niveau des vêtements de protection (masques, blouses blanches) ou au niveau du dépistage, dans un pays qui a encore de nombreuses entreprises textiles (ancien fleuron industriel) et de nombreuses entreprises pharmaceutiques (actuel fleuron industriel), cette situation ubuesque, ce refus pour l’autorité publique d’agir directement, ne s’explique que par l’aveuglement idéologique de la classe politique, la croyance en la libre-entreprise, la main invisible du libre marché, la concurrence libre et non-faussée, la propriété privée des moyens de production.

Enfin, le confinement des foyers de contamination a été pratiqué dans divers pays (comme le Portugal) avec succès.  Actuellement, notre pays connait une reprise de l’épidémie localement ciblée autour d’Anvers.  La mesure à prendre est donc le confinement de cette Province. Cela n’est pas fait, pour de mauvaises raisons.

Il est beaucoup question, en ce moment, de « réformes institutionnelles » notamment dans les discussions pour former un gouvernement fédéral. Nous ne savons pas encore à ce stade ce qu’il en ressortira mais une chose est certaine : il n’en sortira rien de bon si nous n’avons pas une analyse lucide des rapports de force. Les conclusions du dernier CNS nous donnent une photographie des forces en présence : l’autorité de l’État fédéral s’arrête au territoire anversois. Durant le mandat de Charles Michel, depuis le gouvernement « belge », la N-VA utilisait l’autorité fédérale pour imposer ses politiques à tout le pays. Aujourd’hui, tous les Belges payent pour les mesures sanitaires que le gouvernement n’ose pas imposer au territoire de Bart de Wever, le bourgmestre N-VA de la ville d’Anvers et actuel co-négociateur royal. Dans la majorité ou depuis l’opposition, la N-VA est forte et tous les autres partis traditionnels lui sont soumis.

Au premier rang des mauvaises raisons de ne pas confiner les foyers de contamination, on retrouve l’obsession économique que nous dénoncions dès le mois de mars.  La machine productive, en l’occurrence le port d’Anvers et les zonings attenants, doit fonctionner à toute force.  C’est cette même obsession productive qui conduit à des mesures totalement contradictoires comme le fait de limiter notre « bulle sociale » à 5 personnes chez nous … mais à ne fixer aucune limitation sur notre lieu de travail. Encore une fois, alors que les organisations syndicales du monde du travail pourraient être un partenaire solide de la mise en place de mesures sanitaires efficaces dans les entreprises, par hostilité idéologique et par soumission aux grandes entreprises, le gouvernement de centre-droite n’active par la concertation sociale et la force des comités de protection et d’hygiène au travail.

On a beaucoup évoqué le « Monde d’après » au début de cette crise.  Nous devons constater que c’est le triste monde d’aujourd’hui qui est aux manettes et qu’il est aussi inefficace et injuste pour traiter cette crise que pour traiter les autres crises qui ont précédé (crise climatique, crise financière,..) ou qui immanquablement succéderont à la situation actuelle.

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