Le Comité fédéral du Mouvement DEMAIN a pris connaissance des propositions de DEFI, ECOLO et GROEN pour « refonder la démocratie et assainir les pratiques politiques ». Il relève des convergences, mais aussi des insuffisances et incohérences, par exemple sur le décumul et la consultation populaire (qui attend un vote du Parlement wallon). Il avance des propositions complémentaires ou alternatives, notamment sur l’indemnité parlementaire et la dotation publique des partis, ainsi que sur la démocratie à restaurer d’urgence aussi au plan européen.

Voilà plus de 25 ans que tous les partis représentés dans les parlements promettent le renouveau démocratique. Tous ont pris part à la commission du même nom en 2001 au Parlement fédéral ([1]): quel effet a-t-elle eu, alors qu’ils ont gouverné et présidé des assemblées à tous les niveaux ? En ira-t-il autrement de celle qui vient de déposer son rapport sur le même thème à la Chambre ? Ces actes manqués répétés pèsent aussi sur la crédibilité d’ECOLO, GROEN et DEFI en ces matières. Le Mouvement DEMAIN a néanmoins tenté une analyse constructive de leur « feuille de route ».

Convergences

DEMAIN partage diverses options du document, comme la non-rémunération des mandats dérivés des fonctions exécutives communales, le renforcement du pouvoir de la Cour des Comptes pour le contrôle des mandats et rémunérations des élu-e-s, la dépolitisation de la fonction publique, la protection des lanceurs d’alerte…

Les Rouges-Verts considèrent d’autres propositions comme des pas dans la bonne direction, par exemple celle « d’établir le décumul intégral du mandat de parlementaire avec tout mandat dans un exécutif ». Toutefois, vu le volume de travail exigé par un mandat parlementaire, pourquoi ne pas étendre cette incompatibilité à tout mandat, exécutif ou non ?

Les partis ne veulent pas raboter les indemnités parlementaires : leurs élu-e-s leur en rétrocèdent une partie

Certaines propositions sont par contre décevantes. Ainsi, le plafonnement de « l’ensemble des rémunérations des mandataires publics à 150 % de l’indemnité parlementaire, rémunérations professionnelles privées comprises ». Il maintient les revenus du parlementaire largement au-dessus de ce qui est souhaitable – et sauvegarde le financement des partis par la rétrocession d’une partie de l’indemnité de leurs élus, alors que ces partis disposent déjà d’une dotation publique elle aussi généreuse. L’indemnité mensuelle du parlementaire (sans fonction spéciale au sein de l’assemblée) se monte à quelque 6000 € nets. Une rémunération basée sur les barèmes de la fonction publique et soumise à la même fiscalité ne suffirait-elle pas ? Au Mouvement DEMAIN, nous sommes également pour une dotation publique des partis diminuée et mieux contrôlée (par la Cour des comptes, dont les Verts et les Amarante veulent justement renforcer les pouvoirs, plutôt que, comme aujourd’hui, par une commission parlementaire composée… d’élu-e-s représentant ces partis).

Par ailleurs, peut-on parler de « décumul intégral » si l’élu-e peut continuer à percevoir des « rémunérations professionnelles privées » en plus de son indemnité ? Pour DEMAIN, le vrai décumul implique que le parlementaire se consacre à 100 % à son mandat (et bénéficie d’un congé politique élargi à toutes les professions, avec droit au chômage en fin de mandat en lieu et place de l’actuelle indemnité « de départ », elle aussi très confortable).

Pour un vrai « décumul intégral », y compris dans le temps

Une autre caractéristique du vrai décumul est qu’il doit aussi s’appliquer dans le temps : 2 mandats successifs maximum, toutes assemblées parlementaires confondues, puis retour à la vie de citoyen-ne comme les autres. Finies, les carrières qui usent trop de mandataires et les rendent imperméables aux idées nouvelles… Que DEFI et ECOLO comptent des parlementaires en place depuis 26, voire 28 ans est-il compatible avec la démocratie refondée qu’ils appellent de leurs voeux ?

Aux oubliettes, la consultation populaire promise depuis 2016 ?

DEMAIN rappelle qu’il a invité les députés wallons à adopter le décret wallon spécial « consultation populaire » ([2]), objet d’effets d’annonce réitérés depuis la le début de 2016 ([3]) : 69 élus (sur 75) ont déclaré leur soutien à ce texte, qui a été examiné par le Conseil d’Etat et n’attend… que leur passage à l’action. Nous soutenons la pétition lancée à ce sujet et militons pour que les nouveaux accords de majorités qui émergeraient des tractations en cours soient soumis aux citoyens.

Pour l’égalité de traitement entre femmes et hommes, entre partis et entre idées

Le 7 juillet, DEMAIN avait encore proposé la parité obligatoire dans les assemblées parlementaires et locales (une fois le quota d’un sexe atteint, les candidat-e-s de l’autre sont élu-e-s, même si leurs voix sont moins nombreuses) et l’égalisation des conditions de campagne électorale de tous les partis en lice, y compris ceux qui n’ont pas encore d’élu-e-s (nombre déterminé de signatures pour déposer une liste, moyens financiers, accès aux médias audio-visuels…).

Refonder la démocratie sans combattre le caractère anti-démocratique de l’Union européenne ? Impossible

Pour DEMAIN, la grande absente de la feuille de route verte et amarante est l’Union européenne (UE), de loin l’institution politique la plus déficiente sur le plan démocratique et la plus exposée aux conflits d’intérêts. Les règles proposées au niveau belge doivent s’appliquer également au Parlement européen. En outre, il faut réviser fondamentalement le Traité de Lisbonne, en y remplaçant notamment tout ce qui impose une politique austéritaire (abrogation du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance), comme ce qui interdit aux euro-députés de proposer et adopter eux-mêmes des directives et règlements d’harmonisation sociale, environnementale et fiscale et des cliquets anti-régression en ces matières. Si ce changement de cap indispensable est refusé, la Belgique devra quitter l’UE et fonder une alliance alternative avec les autres Etats partisans d’un projet fondé sur les besoins de la planète, des citoyens et des travailleurs – et non sur ceux des entreprises.

Conclusion : des partis parfois en conflit d’intérêts 

DEMAIN  est donc en phase avec le discours d’ECOLO selon lequel « il ne faut pas seulement assainir le système dans son fonctionnement, mais le changer structurellement ». Cette intention doit aussi se traduire en actes de dépassement du capitalisme, du productivisme et du « tout-à-la-croissance-du-PIB » dans les domaines qui touchent à nos manières de produire, consommer et échanger.

La démocratie ne peut être utilisée comme un habillage légitimant tant bien que mal la fuite en avant des familles politiques dominantes. La pression croissante des associations et des citoyens pour un changement radical est légitime. Elle doit l’emporter sur l’entre-soi de partis qui se trouvent parfois, lorsqu’ils abordent ces questions, en manifeste conflit d’intérêts.

([1] ) Rapport de cette commission de 2001.

([2]) Cf. notre conférence de presse du 7 juillet.

([3]) 25/2/2016 : « Accord ‘imminent’ sur l’instauration de la consultation populaire en Wallonie » (RTBF) ; 3/3/2016 : « Annoncée pour 2017, la consultation populaire wallonne comportera plusieurs garde-fous » (Le Vif) ; 19/7/2016 : « La consultation populaire prend forme en Wallonie » (E. DEFFET, Le Soir).

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