A l’occasion du « jour du dépassement« , celui où les habitants de la planète ont consommé ce qu’elle peut régénérer en un an (on peut bien évidemment discuter de la façon dont ce jour est calculé mais il est assurément un indicateur du fait que nous surconsommons les ressources naturelles à notre disposition), on pouvait lire dans la presse plusieurs articles s’étonnant un peu ingénument du fait que « le Belge a une des pires empreintes écologiques au monde ». Pour nous, le dépassement, c’était en fait il y a déjà 4 mois puisque (si chacun devait avoir notre mode de vie) nous consommons plus de 4,1 planètes. Or, Musk, Besos et quelques autres milliardaires ont beau nous inciter à la fuite en avant interplanétaire, de planète nous n’en avons qu’une seule !

Outre le débat sur « quel Belge consomme quoi » (vu que bien évidemment les plus riches sont aussi très souvent les plus consommateurs), ne serait-il pas temps de dire qu’il y a quand même quelques pistes structurelles objectives à ce triste constat ? Que celui-ci puise sa source davantage dans la façon dont s’organise notre société que dans nos pratiques individuelles ?

On vit dans un pays où l’on urbanise à tout va sans une seconde lutter sérieusement politiquement contre l’étalement urbain (le « stop béton », ce sera pour 2050 quand il sera trop tard), et où l’on promeut la villa 4 façades comme étant la panacée. Sans impact ?

On érige, notamment, en modèle agricole le boeuf blanc bleu belge, une folie absolue venue d’un autre siècle, et on considère comme des ayatollahs celles et ceux qui ont l’outrecuidance de penser que l’on devrait au contraire sérieusement végétaliser notre alimentation. Peanuts ?

On consacre à la voiture l’essentiel des moyens publics disponibles pour la mobilité (voir notamment le coût exorbitant de l’entretien de notre réseau routier), et on maintient une fiscalité terriblement favorable à la voiture de société. Corollaire, singulièrement en Wallonie, on a 50 ans de retard en matière de transports en commun et de mobilité douce. Même le parti de la gauche de la gauche de la gauche, en vient à défendre le modèle de la bagnole jusqu’à l’absurde alors que les familles modestes qu’il est sensé représenter n’ont en grande majorité simplement pas de voiture (environ 50% dans les grandes villes) et se contentent de crever en silence sous l’effet de la pollution de l’air. Un détail ?

Et, cerise sur le gâteau écologique wallon, on fait du développement aéroportuaire un point cardinal de notre stratégie de redéploiement économique, en faisant mine d’ignorer qu’il s’agit à la fois d’une usine à polluer (le seul aéroport de Liège annihile tous les efforts de réduction des gaz à effet de serre wallons), et de la promotion de modèles profondément anti-écologiques (que ce soit le low-cost ou l’e-commerce). On oublie ?

N’en jetez plus !

Si on veut un tout petit peu changer de cap (depuis 30 ans, notre pays n’a pas même réussi à réduire d’un iota son empreinte écologique), il est sacrément temps d’en finir avec les compromis à la belge, les lobbys à ne pas froisser (ma 4 façades, ma bagnole, ma viande) et autres compromis de gouvernement boiteux. 

Il faut changer de logiciel ! Radicalement et vite !

Une opinion de Pierre Eyben

Source illustration : Sécheresse, photo créée par ededchechine – fr.freepik.com

 

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